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ASSASSINAT DE SAMUEL PATY...

Sachez que j'adhère totalement et sans condition à la cause de votre rassemblement; je ne peux m'y rendre parce que je suis toujours en Polynésie. Je me souviens du propos de l'avocat d'un de ces assassins " il a l'intelligence d'un cendrier " .Il est regrettable qu'il faille des drames pour dire à nouveau l'importance de l'école au sein de notre société. Depuis des décennies elle n'a cessée d'être malmenée, méprisée, bafouée; je pourrais étayé mon propos mais ce n'est pas le moment, un homme dans l'exercice de sa fonction et pour sa fonction a été assassiné. Comme disent si bien les politiques de tout bord " ma pensée va d'abord vers la famille" . Ah oui et ensuite ?
Moi ma pensée va vers les familles qui ne sont pas encore touchées et j'ajouterai que les mêmes causes produisent les mêmes effets . Enfin, et par un raccourci extrêmement rapide, attention, Hitler et Napoléon et beaucoup d'autres aussi destructeurs sont arrivés au pouvoir. Il faut impérativement que la scolarité retrouve une place: celle de l'admiration, de la stabilité, de la considération, celle de la référence, du respect, etc...
Aujourd'hui je rejoins cet écrivain " j'ai mal à la tête et à l'univers".

Cordialement avec vous.
Pierre Le Batteux

Extrait des chroniques de Benoît Pastisson

Je n’aime pas ne pas comprendre. Or en ce moment, comme aucune explication claire n’est donnée, je dois donc essayer de me débrouiller tout seul pour savoir ce qui se passe. En France, l’évolution du nombre de patients en réanimation ne cesse de baisser : 7 148 cas le 8 avril, 1 163 le 4 juin, 410 le 24 juillet 2020, 380 en réanimation le 22 août. Or l’épidémie est repartie fortement à la hausse depuis début juillet. Comment se fait-il que les deux courbes ne suivent pas du tout la
même progression ? est-ce temporaire ou la situation va-t-elle durer à l’automne. Aucun médecin n’apporte une réponse satisfaisante.
Entre la contamination d’une personne et son décès, il faut compter plusieurs semaines. Mais comme la remontée de la courbe de contamination a démarré il y a sept semaines, les admissions en réanimation et les décès auraient dû fortement repartir depuis début août. Or ce n’est pas le cas en France, alors qu’outre Atlantique, le nombre de décès de la covid 19 reste très important. Autre explication, les dépistages ont explosés. 35 000 tests réalisés par semaine en mars, 400 000 tests en juillet. Dans ce cas, ce n’est pas la contamination qui progresse, c’est la connaissance de cette contamination. Troisième raison donnée : ceux qui attrapent la covid 19 sont jeunes. Mais les jeunes côtoient des vieux. L’épidémie ne passerait-elle plus d’une génération à l’autre ? On entend aussi que le virus aurait peut-être muté. Mais l’a-t-il fait seulement en Europe ?
Pour résumer, en écoutant les médecins qui rament en rond, le public dérive sur les bulles de l’écume vers les abimes du grand large. Alors chacun y va de son délire : la covid 19 est devenue une simple grippe, on administre maintenant des traitements qui sont efficaces. Les chaleurs de l’été font moins mourir. Etc.
Moi, j’ai une autre explication : depuis les 30000 décès du printemps, on manque de vieux. Va-t-il falloir en importer ? et si oui, d’où ? de Chine, comme les masques ? au moins, pourra-t-on les acheminer par les mêmes bateaux, et eux, on est certain qu’ils ne seront pas volés sur tarmacs internationaux.


Sans voiture particulière, il n’est pas simple de se déplacer en Ardèche. Il n’existe pas de train pour les voyageurs, en dehors d’une ligne touristique privée qui ne marche que l’été et qui part de nulle part. Quant aux cars, ils ne relient que les villes ayant une certaine importance, or comme des parties du département ne sont constituées que de villages accessibles uniquement par de toutes petites routes, il est compliqué de s’y déplacer. J’ai encore pris hier une photo d’un panneau indiquant : « route fortement déconseillée aux cars ». Sur le même parcours, une ancienne plaque Michelin abandonnée s’exprime avec moins de circonvolution. Elle précise simplement ; « route dangereuse ». J’ai donc pour habitude de prendre les personnes qui font de l’autostop là où aucun autre moyen de transport collectif n’existe.
Seulement, cette année, avec la situation sanitaire, je passe sans m’arrêter, avec beaucoup de mauvaise conscience. A chaque fois, je me dis que je laisse plantés au bord de la route des gens qui ne peuvent pas se déplacer autrement, qu’ils ont un risque infime d’être contaminés, que même s’ils le sont, en ouvrant les fenêtres, en leur faisant porter un masque et en les mettant derrière, voire même en les enfermant dans le coffre, ils ont une probabilité très faible de me repasser le virus, que j’ai moins de 65 ans et que si je l’attrapais, je devrais m’en tirer sans trop de conséquences dramatiques. Pourtant, je ne les prends pas. Et pendant des kilomètres, chaque cahotement de la route fait vibrer désagréablement mes méninges, chaque bosse me dit : « tout de même, tu aurais pu le prendre, pauvre type, il va rester là pendant des heures à attendre. Sur cette route, il passe trois voitures par heures, si tout le monde raisonne comme toi, il a le temps de prendre racine ».
L’autre jour, l’un d’entre eux avait un petit panneau qui indiquait qu’il voulait aller exactement à l’endroit où je me rendais. Mais j’ai foncé en sifflotant et en regardant hypocritement ailleurs comme si je ne l’avais pas vu. Et pendant toute
la route, un débat intérieur m’a auto-harcelé : « je ne pense qu’à moi, oui, mais en ce moment, c’est chacun pour soi, oui mais le pauvre gugusse, si tout le monde pense comme moi, patati patata, dois-je me comporter comme un individualiste antisocial où dois-je faire preuve d’empathie et de compréhension malgré la situation actuelle… »
Quand je suis dans cet état, je m’arrive plus à lire un panneau. Alors je fonce pour ne pas penser que je suis en train de penser. Heureusement, sur les petites routes, la maréchaussée est peu présente : risquer de se faire arrêter par un gendarme potentiellement plus contaminé que le stoppeur que je n’ai pas pris car en contact quotidien avec des personnes inconnues est tout de même un comble. Et puis comment lui expliquer ? dans le trouble de mon esprit, si je lui avais dit « monsieur, je suis dans le pétrin : je fonçais parce que j’étais énervé contre moi parce que je n’ai pas pris un pauvre type car je craignais qu’il me refile la covid 19 que vous êtes peut-être en train de me refiler vous-même présentement et que je m’en veux d’être un lâche trouillard égoïste dégueulasse », j’étais bon pour un alcootest immédiat, une amende, voir une arrestation avec confiscation du véhicule pour propos décousus et irrationnels.
Regarder ailleurs en sifflotant ! Vraiment, je ne me supporte pas. Je sens que j’ai besoin de me nettoyer pour éliminer l’alcool que je n’ai pas bu.
Benoit Pastisson

CHRONIQUES DE BENOIT PASTISSON du 3 au 9 AOUT

Lundi :
La majorité des arbres les plus ordinaires qui poussent en France depuis très longtemps ont des origines exotiques. En voici quelques exemples : le pommier, l’abricotier, le pêcher et même le rosier viennent de Perse, le laurier rose et le chêne vert de Méditerranée, le catalpa d’Amérique. Plus récemment, au XIXème siècle, quand le baron Haussmann a créé des squares dans Paris pour rendre la ville moins minérale, il a cherché des essences exotiques qui aujourd’hui sont devenus si ordinaires qu’on les croit françaises depuis toujours. Or, avec le réchauffement climatique, la situation est en train de se reproduire : des bananiers, des oliviers, des citronniers et même des palmiers fleurissent en grand nombre jusqu’à la Loire et même au-dessus. Quant à la vigne, elle remonte de plus en plus vers le nord : il est maintenant possible de trouver des vins normands, picards et même anglais ! Dans quelques décennies, les jeunes gens penseront que toutes ces plantes sont bien de chez nous, comme on le fait nous-mêmes pour les pommiers.
La place n’étant pas extensible, il faut donc imaginer que rapidement, les arbres du nord, comme les épinettes de Norvège, les sapins, des pins sylvestres, les bouleaux pubescents, les épicéas, les mélèzes, les hêtres et les trembles vont devenir de moins en moins nombreux, puis vont disparaitre. D’ailleurs, certains souffrent très fortement du réchauffement climatique.
Comme ce sera très ordinaire, il ne sera donc plus tendance d’avoir une orangerie dans son jardin que l’on chauffe légèrement l’hiver pour que les plantes du sud ne meurent pas avec le gel. Par contre, pour être chic, il faudrait commencer à installer dans son jardin des trembleries, des hêtreries, voire même des patateries, qui seront réfrigérées l’été, et dans lesquelles il suffira d’installer un salon plein de fraîcheur. Mais… à quoi je pense ? Cela existe déjà. On appelle ça l’air conditionné. Toutes les EPHAD en sont maintenant équipées. Les maisons de retraite sont vraiment snobs !
Mardi :
Un signe du réchauffement climatique ne trompe pas : les moustiques. Ils se répandent partout. Ils montent de plus en plus. Géographiquement, ils envahissent maintenant le nord de la France. Ils grimpent aussi de plus en plus haut en altitude. Abandonnant l’Ardèche pour quelques jours, je viens de passer dans un village de Corrèze qui se trouve à 600 mètres d’altitude. Or pour la première année, les petites bêtes signalent leur présence en suçant sournoisement les habitants.
Comme je n’aime pas tuer les insectes, j’ai trouvé une autre solution pour les rendre inefficaces : quand j’arrive à attraper un moustique ou une guêpe, je l’asperge d’alcool fort. Puis je l’abandonne ivre. L’intérêt est double : d’une part, alcooliser des animaux qui passent leur temps à tituber dans l’air leur permet de voler droit et d’être plus facile à attraper la fois suivante. Mais surtout, quand la bête piquera la personne suivante, le remède contre la piqure sera intégré dans la piqure elle-même : normalement, dans cette situation, on frotte rapidement avec un peu d’alcool sur la peau pour nettoyer l’endroit où le dard est entré. Ce ne sera donc plus utile.
J’ai aussi pensé à frotter ces animaux avec une formule hydroalcoolique : on ne sait jamais, peut-être que ces petites choses arrivent à éternuer. Et comme on ne peut pas leur mettre un masque, il faut se protéger comme on le peut.
Mercredi :
Les soirs d’été, en Ardèche, quand la fraicheur donne envie de fêter le soir, il arrive que l’on croise au détour d’un chemin un petit point phosphorescent. Le citadin se dit dans un premier temps qu’il s’agit d’un petit morceau de signalisation tombé là par hasard, mais en s’approchant il s’aperçoit que la lumière est émise par un animal qui se fait de plus en plus rare : un ver luisant. Cette année, j’en ai vu trois, ce qui est beaucoup, puisqu’il arrive que je n’en croise aucun
pendant plusieurs années consécutives. L’animal est très fragile et souffre beaucoup de la pollution.
Apercevoir un petit point scintillant dans la nuit est toujours magique : cette décoration naturelle permet de s’évader dans un monde où le charme caresse le rêve. Il y a de nombreuses années, un de ces petits points lumineux avaient trouvé refuge sous la table qui se trouve dans mon jardin. J’en avais fait un poème :
L’écrin
Contre ma maison se trouve un petit jardin.
Dans une odeur d’herbes, de ciel et de rosée,
Les branches posent sur la pierre des baisers
Qui transforment l’air en de langoureux câlins.
Dans mon petit jardin ne pousse qu’un seul arbre :
Pour que chaque feuille soit un riche trésor
Les murs, la terre et les fleurs servent de décor.
Oh ! Figuier, tu es le héros de mon théâtre.
Sous mon seul arbre, j’ai installé une table :
Du jardin, elle occupe l’endroit le plus doux,
Toujours à l’ombre, elle est au milieu de tout.
Les phrases qu’elle suscite sont toujours des fables.
Sous la table brille la nuit un ver luisant.
Je ne sais d’où il vient ni comment il arrive,
Mais quand le soir tombe, il illumine mes rêves.
Son éclat délicat est toujours apaisant.
Mon arbre et ma table, ma maison et mon jardin
S’imbriquent les uns dans les autres avec aisance.
Une seule raison explique leur présence :
A mon petit ver luisant, ils servent d’écrin !
Belle étoile tombée dans mon petit jardin
J’observe en rêvant ta douce lumière verte.
Dans ton halo, j’aperçois, toute grande ouverte,
La belle femme dont l’amour me sert d’écrin.
En le relisant aujourd’hui, une idée me vient : comme les gens des villes s’imaginent voir un panneau de circulation, il faudrait en créer un particulièrement luminescent que l’on placerait dans les coins sombres les plus calmes des rues des villes. Il voudrait dire : Attention, Amour !
Jeudi :
Dans un hameau ardéchois, j’ai un ami sculpteur qui fait de très jolies oeuvres. Seulement, voilà, comme beaucoup d’artistes, il a du mal à les vendre. Alors il a trouvé la solution : il fait des copies de ses oeuvres et il les propose comme telles, ce qui lui permet de les vendre mieux et plus chères, car s’il s’agit de répliques, c’est que l’auteur est reconnu, voire illustre ! Personnellement, comme je suis radin, je ne lui achète que des originaux.
Vendredi :
Enfin, je l’ai trouvé ! dans un village de Corrèze, sur un petit marché, un vendeur de produits locaux en avait sur son étal : du produit alcoolo-alcoolique pour se décontaminer les mains ! Il le fabrique lui-même avec de l’alcool de prune mélangé avec un peu d’alcool à 90°. Et pas une goutte d’eau ! Après avoir discuté avec lui de son procédé de fabrication, je lui ai demandé si je pouvais en boire. Il m’a répondu que ce serait tout à fait possible, mais que le flacon avait dans le passé contenu du savon liquide et qu’il risquerait de donner un petit arrière-goût. Je me suis donc limité à en mettre une quantité copieuse sur les mains, à sentir goulument cette odeur de fruits, et à lécher nerveusement mes doits devant des passants ébahis, car n’étant pas au courant du contenu de la mixture que proposait ce monsieur. Tout de même, le coronavirus a du bon…
Samedi :
Je devais avoir 20 ou 25 ans quand une idée bizarre m’a traversé l’esprit : exporter des bidets aux Etats-Unis. Ce petit objet sanitaire n’existe pas là-bas. Les
Américains le considère comme très frenchie. Seulement voilà : chez nous, il est en voie de disparition. J’expliquais un peu plus haut que la première douche a été installé dans un village ardéchois que j’aime beaucoup au début des années 60. Depuis, elle s’est complètement généralisée, rendant partout caduc le pauvre bidet. Quelle tristesse ! pourtant, il avait beaucoup d’avantage, notamment il prenait peu de place et il nécessitait peu d’eau. Mais les jeunes ne connaissent plus cet objet : quand un adolescent en voit un aujourd’hui, il cherche à comprendre quelle peut en être l’utilité.
Un petit rappel s’impose donc pour ceux qui imaginent qu’il s’agit d’un pot de fleur avec arrosage intégré : le bidet est utilisé pour nettoyer prioritairement la moitié basse du corps. Il est très pratique pour les pieds et pour les parties génitales. Pour cette dernière utilisation, il faut s’installer dessus comme si l’on chevauchait un cheval, ce qui est une façon originale de découvrir la nature sans voyager. Par contre, il est déconseillé pour se laver les cheveux, mais si on n’a rien d’autre, il peut faire l’affaire. Il permet aussi de faire tremper pour la nuit ses vêtements salis dans la journée, et ensuite de les laver en un instant. Il est adapté pour mettre ses chaussures : soit on s’assied dessus et comme il est plus bas qu’une chaise il est très pratique, soit on pose le pied sur son rebord pour mettre ses lacets. Il permet de laver les bébés sans risque de les noyer. Enfin, quand on a un chat qui a fait une bêtise, pour ne pas le gronder mais juste marquer son désaccord, il est possible de le tremper dedans un instant en lui parlant gentiment. Mais surtout pas avec de l’eau chaude.
Malheureusement, comme avec la concurrence, son utilisation étant devenue superfétatoire, il devient très difficile d’en rencontrer un. Quand par hasard, j’en croise un dans un hôtel ou chez des amis, je le prends en photo et je m’empresse de me faire une infusion : j’enlève mes chaussures et j’offre à mes pieds une délicieuse décoction de tilleul ou de verveine : ils en sortent parfumés et détendus. Les petits plaisirs oubliés ont parfois un charme désuet très prenant.
Bientôt, on ne trouvera des bidets que dans les musées. Si quelqu’un qui a du temps pour créer une association pour la réhabilitation des bidets dans l’habitat domestique, il sera assuré de mon adhésion.
Dimanche :
Les habitudes changent : il paraît que dans le contexte actuel, il arrive que les jeunes ayant une première relation entre eux se mettent du gel hydroalcoolique sur les muqueuses génitales pour éviter de se transmettre des virus indélicats. Le résultat est surprenant : le picotement est tellement intense que la jouissance arrive avant la pénétration, rendant celle-ci inutile. Ainsi, l’épidémie d’avant, le SIDA, est enfin endiguée. Une fois de plus, on le constate : en France, on est toujours en retard d’une guerre.

CHRONIQUES

samedi 1er août :

Dans ma villégiature ardéchoise, ma journée commence par un émerveillement : fenêtre et volets ouverts, le jour se lève aussi dans ma chambre. Il me suffit alors de passer de la position horizontale à la verticale pour voir le village s’étirer en baillant. Comme la vue qui s’offre s’ouvre sur les toits des maisons, je peux contempler les reflets qui s’accrochent aux tuiles romaines. Puisqu’elles sont arrondies, elles prennent la lumière balayante avec des nuances d’intensité qui s’expriment en douceur : la sinuosité fait passer de la clarté à l’ombre par des enlacements de dégradés. Mais tout cela ne sert que de décor à un ballet vieux comme le monde : quand les hirondelles se réveillent, elles offrent un spectacle incomparable : elles tournent sur le village en dansant. Elles sont des dizaines, peut-être plus de cent à virevolter dans le ciel, n’hésitant pas à passer à un mètre de mes yeux sans paraître effarouchés le moins du monde. Cette farandole du matin dure presque une demi-heure. Les oiseaux dépensent une énergie folle à réaliser ce spectacle ! tout en volant, ils chantent : que faut-il comprendre ? s’agit-il d’une ode à l’amour, d’une ballade pour rendre hommage à potron-minet, d’un madrigal pour exprimer sa joie au soleil qui daigne se montrer encore un jour de plus ?
Spectateur ou acteur : il s’en est fallu de peu pour que j’enjambe le rebord de la fenêtre afin d’entrer dans la danse des hirondelles, pour fêter la vie qui se réveille si joyeusement. Mais j’ai abandonné cette idée quand une question désagréable s’est mise à me tarauder : tout ce grand jeu n’était-il pas organisé par l’office du tourisme local pour faire de moi un bon touriste plein de jolis souvenirs ?
Dimanche 2 août :
Ayant des origines ardéchoises, j’ai appris il y a deux jours qu’un monsieur de 86 ans était un cousin. Le lendemain, je suis allé à sa rencontre devant sa maison qui est une ancienne ferme. Pour la rejoindre, il faut emprunter un ancien chemin magnifique, conçu pour les hommes et les ânes, large de moins d’un mètre, qui suit une vallée verdoyante. En allant à sa rencontre, j’avais l’impression de m’enfoncer dans la sérénité. Arrivé au coeur du monde, devant chez lui, j’ai d’abord constaté que la vue sur le village voisin était incomparable. Son chien signalant ma présence, il est sorti et je me suis présenté, sans très bien savoir qui j’étais par rapport à lui. Il m’a alors expliqué que mon arrière-grand-père et son grand-père maternel était cousin germain. Puis avec une merveilleuse faconde, il s’est raconté : avant le service militaire, il n’était jamais sorti de son village, et à l’armée, il a découvert ce qu’était une douche, qu’il fallait prendre collectivement tout nu, ce qui l’avait fortement déstabilisé. La veille de cette rencontre, j’avais appris que c’est seulement en 1962 que la première douche avait été installée dans le village ! le monde a changé à une vitesse ahurissante.

Benoît Pastisson

 

Jeanne Ménassé a rencontré Nicole lors d’un atelier d’écriture qu’elle animait pour l’université populaire d’Aubenas. Une belle amitié nait aussitôt entre les deux femmes. Jeanne, tout naturellement, se fait la voix de Nicole pour conter l’histoire de celle-ci, témoignage d’une époque pas si lointaine où l’ordinaire des campagnes ardéchoises était une lutte pour la survie.

 

Née au sein d’une fratrie de nombreux frères et soeurs, dans une famille de fermiers pauvres, Nicole hérite de sa mère d’une grande force intérieure. Elle a su se dépasser, serré les dents sans se révolter pour arriver à construire sa vie sans jamais lâcher. Seule parmi la fratrie à suivre des études, elle s’arrache à la pauvreté, combat bien des idées reçues et devient enseignante, en hommage rendu à une maman qui a tant donné pour que ses enfants aient une vie meilleure.

 

Ce récit qui nous sera tantôt conté, tantôt lu vendredi 24 juillet, a fait l’objet d’un livre écrit à quatre mains, qui sera dédicacé à la suite.

 

De belles pages aussi sobres que riches en émotion, qui parleront à chacun.e d’entre nous qui avons vécu cette époque ou connu des parents dont le destin fut si proche. Un témoignage sensible et universel d’une vie de labeur, de courage et de droiture dans les campagnes jusqu’au milieu du siècle dernier.

 


EXTRAIT DES CHRONIQUES DE BENOIT PASTISSON

« Merci de respecter les gestes barrières ». Cette phrase se répand comme une trainée de poudre. Mais qu’est-ce qu’un « geste-barrière » ? Normalement, il s’agit d’une attitude corporelle afin d’éloigner les autres. J’ai beau m’entraîner, je n’arrive pas à trouver la position idoine : doit-on mettre ses bras dans une position de défense, se protéger avec les mains à plat devant soi ? Ou bien faut-il les placer en croix, comme pour éloigner Dracula ? Après trente minutes d’entrainement, j’ai fini par trouver une technique : je fais des bras de fer à tout le monde. Et pour ceux qui restent encore trop proches de moi, j’y ajoute un doigt d’honneur.
Seulement voilà, contrairement à ce que je recherchais, mon geste-barrière est devenu un geste-contact : un individu, ne comprenant pas ma recherche de respect des consignes gouvernementales, l’a mal pris et m’a tapé dessus. Peut-être s’agissait-il d’un opposant qui me prenait pour un macroniste. Cela dit, je le remercie, car il a réussi à obtenir ce que je voulais : maintenant, avec mes deux
yeux au beurre noir, tout le monde me fuit. Croyez-moi, une gueule-barrière est beaucoup plus efficace qu’un geste-barrière !

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EXTRAIT DES CHRONIQUES DE BENOIT PASTISSON

Je suis tombé par hasard sur un texte magnifique. En feuilletant une liasse sur un bout de table, j’ai découvert la littérature que le ministère de l’Education Nationale a concocté pour préparer le retour des élèves dans les établissements scolaires après le confinement. Ce beau livret est destiné aux chefs d’établissement. Dans un chapitre appelé Accueillir et dialoguer avec les élèves,
un passage indique que le professeur principal doit
permettre de signifier symboliquement à chaque adolescent qu’il appartient à une communauté et partage un projet éducatif commun. Les propos tenus dans ces circonstances doivent à la fois incarner la responsabilité et l’autorité fonctionnelles de l’adulte référent et l’empathie de l’institution. « M’sieur, t’as fumé du Crack ou quoi ? »
Il doit aussi
permettre d’accueillir les émotions des élèves lorsqu’elles se manifestent spontanément, sans chercher immédiatement à leur donner du sens.
« M’sieur, j’ai une pulsion qui monte, j’sais pas d’où qu’ça vient, j’envie d’tout défoncer ». « Mais c’est très bien, mon petit, il faut savoir exprimer ses sensations secrètes, libère-toi ».
Un peu plus loin, il est dit :
accueillir la parole des élèves ne s’improvise pas. L’idéal est donc de leur faire répéter avant ce qu’ils vont dire de façon à pouvoir préparer les réponses qu’on va leur donner après : « putain, je me suis fait chier à mort pendant le confinement ». « Attends Igor, je note ta phrase, tu me la répéteras après la récréation, et je t’expliquerai comment aborder au mieux cette approche sensible. Tu sais, pour bien te répondre, je n’ai pas le droit d’improviser, le ministre ne serait pas content. »
Reconnaître les émotions et les nommer permet de soutenir les enfants et les adolescents dans la gestion de leurs émotions. On ne dira rien sur la répétition, personne n’oblige un fonctionnaire à écrire comme Racine. Par contre, nommer les émotions apparaît comme une idée tout à fait nouvelle. Les psychologues proposent 27 types : l’admiration, l’adoration, l’appréciation esthétique,
l’amusement, la colère, l’anxiété, l’émerveillement, le malaise, l’ennui, le calme, la confusion, l’envie, le dégoût, la douleur empathique, l’intérêt étonné, l’excitation, la peur, l’horreur, l’intérêt, la joie, la nostalgie, le soulagement, la romance, la tristesse la satisfaction, le désir sexuel, la surprise. « Igor, je vais te dire pourquoi tu t’énerves. Attends je consulte mon petit carnet. Tu dois avoir un sentiment qui est un mélange de colère, d’envie, de dégoût, d’excitation, avec un soupçon de désir sexuel. Réponds-moi franchement, est-ce que tu t’en rends compte ? parce que si tu conscientises la cause de ton état, cela va t’aider à mieux
gérer tes émotions dans l’avenir. Non, non, ne rigole pas, nous voulons tous t’aider à te construire durablement, tu comprends ? ».
Je ne donne qu’un petit échantillon de cette délicieuse prose qui s’étale sur plusieurs dizaines de pages. Le sourire vient essentiellement d’une contradiction : le décalage entre la volonté d’être le plus proche possible des adolescents sur le
fond et d’en être le plus loin possible sur la forme. En tout cas, je plains parfois les enseignants : entre la novlangue d’en haut et celle des élèves, ils ont parfois du mal à savoir exactement ce qu’ils doivent raconter. Je me souviens d’avoir rencontré un professeur qui, à force de voir le nom de son métier écrit avec deux f dans des copies, avait fini par ne plus savoir qu’elle était la bonne orthographe ;
alors, pour ne plus se tromper, il avait inventé un moyen mnémotechnique : je suis un fesseur pro, avec un seul « f ». Il ne s’en est jamais vanté au ministère…
Imaginons maintenant une émotion amoureuse exprimée par nos trois comparses. Voici trois versions, à vous de retrouver celle du professeur, du technocrate et de l’élève :

« Mimi, Je t’kiffe à mort, tu m’fais toucher mon humanité. Tu es faite pour que j’te nique » ;

« ma chère Mimi, un frisson troublant m’indique que tu ne me laisses pas de marbre. J’espère que tu partages ce beau sentiment, propre à l’humanité, qu’on appelle l’attirance physiologique. Puis-je te proposer d’aller diner ensemble ce soir ? » ;

« Me permettez-vous de prendre quelques libertés et, pour la première fois, de vous appeler tout simplement Mimi. Nous nous
connaissons maintenant depuis 21 ans et un émoi profond me bouleverse. Il me paraît important que je puisse vous l’exprimer sans détour. Je sens que vous parler spontanément va donner du sens à mon existence. Peut-être aussi à la vôtre. En tout cas, mon empathie fonctionnelle se trémousse en silence, elle délivre les pulsions d’humanité qui se cachent au fond de moi. Vous avez la patience – et la gentillesse - de me laisser formuler mes sensations les plus secrètes sans détour, je vous sais gré de m’écouter, mais rassurez-vous, vous pourrez ensuite me parler comme je le fais, votre désarroi pourra s’exprimer sans que je ne le contrarie.
D’ailleurs, je voudrais que vous m’aidiez : comment peut-on gérer la suite de cet échange constructif et bienveillant ? »
Notre langue est riche, mais attention tout de même : parmi les trois Mimi évoquées, si on veut garder l’espoir de voir une suite à cette belle déclaration, il est important de choisir la bonne. Et cela entraine en filigrane une réflexion sur l’administration scolaire française : pourquoi ce sont des autistes qui expliquent à des pédagogues comment s’y prendre avec des désinhibés ?

LES CHRONIQUES DE BENOIT PASTISSON

Mardi :

J’aime bien les mots qui sont employés à contre-sens. Depuis quelques années, quand on veut parler d’un plat délicieux, un mot s’est répandu, assez étonnant : une tuerie : « ce sorbet à la fraise de chez Bertillon est une véritable tuerie ! ».
Dans le même genre, le mot « trop » a évolué de la même façon : ainsi, dire « ce film est trop sanglant » est en général à prendre au sens négatif, mais dire « ce
film est trop fort » veut dire qu’il est vraiment génial. Un ami québécois m’indique que dans la Belle Province, le mot « écœurant » a subi le même sort. Ainsi, dire à Montréal : « ce steak est écœurant » veut dire que c’est une véritable tuerie, qu’il est trop délicieux, pardon, que le steak est particulièrement bon.
Quand on connait le procédé, chacun peut s’amuser à créer son lexique, en sachant tout de même qu’on peut être compris à contre-sens. Ainsi, si vous croisez une belle fille est que vous lui dites : « t’es vache de moche ! » elle risquera de pas comprendre que vous la trouvez magnifique et de vous donner une baffe. Cela dit, si vous lui dites : « tu es une vraie beauté », vous risquerez d’obtenir le même résultat. Alors, quitte à se faire gifler, autant s’amuser à faire croire qu’on est désagréable tout en s’étant voulu agréable. Bon, je sens qu’une fois de plus, certains vont me trouver un peu tordu.
Dans les inversions de sens, on a aussi « mortel » : « ce jeu est mortel ! ». Bien évidemment, il ne faut pas comprendre qu’en y jouant, on va pousser son dernier soupir, mais qu’il est plus fort que la mort. Il s’agit d’un procédé d’exagération, mais qui fonctionne par inversion : une hyperbole qui est retournée. Le but est de frapper l’imagination. Ceux qui utilisent des gros mots le font souvent pour
appliquer ce procédé, sans en avoir conscience : « putain de merde, ce gâteau, ya pas à chier, c’est vraiment une saloperie de délice ». Le lecteur voudra bien excuser ce laisser-aller dans mon vocabulaire, mais il pourra constater que les vilainetés sont entre guillemets. Pour ma part, j’essaie de ne pas dire « merde » plus de trois fois par jour. Et je m’interdis le « putain », très en vogue chez les jeunes. Mais tout de même : « le coronavirus, putain de merde, c’est une vraie tuerie ». Je laisse le lecteur méditer sur le sens à donner à cette phrase.
Mercredi :
Les masques font suffoquer. Impossible de respirer avec cet écran devant le nez et la bouche… ah, si l’air passait par les oreilles, comme ce serait confortable, sauf que dans ce cas, là, les lobes aussi seraient recouverts. Et la buée dans les oreilles est insupportable ! ça donne des otites.
Combien de porteurs de masque sont décédés par étouffement, par asphyxie ? J’ai regardé sur Internet, et pour le moment, il ne semble pas y avoir de cas. Mais j’ai tout de même trouvé un mort à cause de cet objet. L’histoire s’est passée dans le Michigan, aux Etats-Unis, le 4 mai dernier. Un vigile de supermarché, âgé de 43 ans a refusé l’entrée dans un magasin à une mère et sa fille, car l’enfant ne portait pas de masque, obligatoire pour faire des courses dans cet Etat. Après une altercation verbale avec le vigile, la mère est revenue 20 minutes plus tard accompagnée de son mari et de son fils de 23 ans qui a appuyé sur la gâchette. La
balle est entrée dans la tête. Alors, une terrible question se pose : qu’est-ce qui chatouille le mieux les neurones : un masque ou un flingue ?
Petite remarque complémentaire : « appuyer sur la gâchette » peut se dire aussi « presser sur la détente » : cette expression veut-elle dire que celui qui tire s’apprête à faire une cure de relaxation ou que celui qui est en face va enfin pouvoir se sentir définitivement décontracté ? En tout cas, il est compréhensible qu’une arme à feu soit efficace pour briser la glace.
Jeudi :
Profitez bien des vacances d’été : si la pandémie ne repart pas à la fin du mois d’août, la rentrée va être impossible. D’abord, il va falloir se remettre dans le coup, parce que tout le monde est complètement déconnecté. Et avec le climat actuel, exceptionnellement chaud, difficile de retrouver maintenant l’énergie de l’action.
Donc, en septembre-octobre, nous devrons subir, en vrac, le tour de France, Rolland Garros, le festival de Cannes, les congrès, les assemblées générales, les festivals, les concerts qui ont été déplacés, les rencontres avec les amis que nous n’avons pas vus ou si peu, la famille avec qui nous devrons récupérer le temps perdu.

Bien sûr, tout cela viendra s’ajouter à ce qui est normalement prévu. Par exemple, il serait difficile de déplacer le Salon d’automne en hiver… et puis le 2 novembre, jour des morts, mobilisera malheureusement cette année de nombreuses familles ayant connu des décès.
Ajoutons encore à cela qu’il sera nécessaire de travailler beaucoup, pour essayer tant bien que mal de rattraper tout ce qui n’a pas été fait au printemps. Car c’est bien beau d’utiliser la visioconférence, mais dans une réunion d’une heure, quand on enlève la première demi-heure pour faire fonctionner le matériel, puis un quart d’heure pour prendre des nouvelles des collègues qu’on ne voit plus, il ne reste qu’un autre quart d’heure pour tenter de faire avance les dossiers. Mais comme tout le monde parle en même temps, que Sophie s’est absentée pour aller étrangler son fils qui crie par derrière et qu’elle n’entend rien, que Maxime fait en même
temps un ragoût pour ce soir et qu’il doit aller surveiller la cuisson, que Jean-Jacques rêve parce qu’il n’a pas compris qu’on s’adressait à lui, que Théodorine est flippée par la situation et qu’elle écoute en même temps le flash sur France Info pour savoir où on en est, que Stéphane vient de recevoir un appel de l’EHPAD potentiellement inquiétant et qu’en fait, l’orateur qui fait un rapport de
la situation parle tout seul, on imagine à quel point l’automne va entrainer un taux de stress et donc de désolation surpassant tout ce qu’on peut imaginer.
Lecteur, si tu peux, prends tes vacances à cette période pour aller contempler les feuilles qui tombent en faisant des tourbillons. Et en attendant, fais comme moi : va te coucher !
Vendredi :
Une croyance millénaire assure que c’est Dieu qui a fabriqué l’homme, et qu’il l’a fait à son image. Or, depuis la nuit des temps, qui assure ce travail ? la femme.
Nous pouvons donc en déduire très logiquement que ce sont elles les déesses. Celui que nous appelons Dieu, fou de jalousie, a voulu se venger de voir que sa place a été usurpée par des créatures de chair et de n’être plus reconnu pour ce
qu’il est. C’est pourquoi il a créé la Covid 19. Cette approche religieuse a cependant une faille car dans l’hypothèse où elle serait vraie, cela voudrait dire
que la mère d’Hitler était une déesse !
Que les croyants me pardonnent, mais je me perds facilement en religion. Par ailleurs, pourquoi écrit-on choléra, peste, grippe espagnole, typhus sans majuscule alors qu’il faut en mettre une à Covid 19 ? Une maladie qui tue des centaines de milliers de personnes mérite-t-elle un nom propre ? Cette majuscule vient-elle du fait qu’il s’agit d’un acronyme remodelé : co = corona, vi = virus, d= « disease » (maladie en anglais) et 19 = 2019 ? Cela n’aurait pas de sens, et d’ailleurs un autre acronyme, sida, s’écrit uniquement en minuscule : syndrome d'immuno-déficience acquise. En fait, il faut mettre un C à Covid car c’est l’écriture officielle de l’OMS. Mais alors, qui décide de l’écriture des mots ? l’Académie française ou l’OMS ? Pauvre langue : elle a deux déesses ! Pourvu
que l’une ne cherche pas à se venger sur l’autre.
En tout cas, maintenant que notre Académie a décidé qu’il fallait dire la Covid 19 et non le Covid 19, j’ai eu envie de rendre aujourd’hui un hommage à la féminité en imaginant qu’il y avait des déesses partout. A chacun ses rêves !
Samedi :
L’heure est au bilan : quand l’épidémie a démarré, l’OMS s’est rapidement rendue compte qu’il s’agissait d’une maladie très contagieuse. Elle a alerté les gouvernants du monde entier, qui, après avoir tâtonné, ont développé trois pistes : rechercher les contaminés, les pister et enfermer tout le monde à la maison.Ainsi, les médecins ont informé qu’il s’agissait d’un virus H.T. (Hautement Transmissible). Evidemment, les dirigeants, cherchant un bénéfice dans l’opération, ont immédiatement imposé une réponse T.T.C (Tester, Tracer, Confiner). Comment voulez-vous que les gens aiment leur chef d’Etat ? Comment voulez-vous qu’ils se passionnent pour la politique ? Espérons tout de même qu’ils feront baisser le taux de T.V.A. (Transmission Viralement Active) du Covid 19.
Dimanche :
Un certain nombre de journalistes en convienne : il y aura un avant et un après Covid 19 : la pandémie va changer notre façon d’exister. Les entreprises vont être relocalisées, la nature va reprendre ses droits, les crédits accordés aux hôpitaux vont repartir à la hausse, l’Etat providence va renaître, le capitalisme sauvage va être abandonné. Le monde va devenir meilleur, plus beau, plus réfléchi.
L’histoire nous montre comment l’empirisme, c’est-à-dire le résultat des expériences vécues, a été utile à l’homme : ainsi, par exemple, nous avons constaté que la Grande guerre, appelée
la der des ders, était bien la dernière. Nous avons vu aussi que depuis la crise de 1929, il n’y a pas eu d’autres marasmes économiques. Nous avons pu observer que grâce à Hiroshima, à Nagasaki,
ajoutons Tchernobyl, le nucléaire est maintenant bien maîtrisé, et que le Japon, pays particulièrement concerné, a su tirer des leçons de ce qui lui est arrivé en 1945.
Oui, les catastrophes ont du bon, elles permettent de construire un avenir radieux.
Merci aux médias de nous permettre d’être optimiste pour l’avenir. Vivement les prochains bouleversements pour que le monde devienne toujours plus beau.

EXTRAIT DES CHRONIQUES DE BENOIT PASTISSON

 

Mercredi 27 mai :

Les masques qui se sont généralisés  changent les relations humaines plus qu’on ne croit. D’abord tout le monde parle « canard », ce qui ne facilite pas la communication. Les mots étant étouffés, la voix sort comme si la sourdine d’une trompette avait été placée dans la bouche : les tonalités s’en trouvent feutrées, sourdes, graves. Comme en plus, le locuteur se sent obligé de fluidifier et d’adoucir le débit, le timbre ne jaillit pas, il coule régulièrement, de façon monocorde, sans éclat. Ainsi, les masques tuent les intonations. Mais ce n’est pas tout : habituellement, avec la voix, le visage parle : quand quelqu’un vous tient une porte, un simple sourire suffit pour le remercier. Essayez donc de faire une petite mimique de sympathie ou de politesse avec un bout de tissu sur la bouche : le flop est garanti. Alors, je me lâche : maintenant quand je croise quelqu’un dans la rue, je lui tire la langue, je lui fais une grimace, je montre mes dents, je renfrogne mon nez, je joue au macho en passant pulpeusement ma langue sur les lèvres. Comme je ne suis pas vu, j’en profite à fond. De toute façon si une personne devinait mes gesticulations secrètes de pantomime, elle ne me hurlerait pas dessus puisqu’avec un masque, les cris sortent doux, et surtout, le tissu empêche de respirer sereinement, si bien que l’excitation risquerait d’entrainer l’asphyxie.
Le masque offre un autre intérêt : l’après-midi, après le repas, quand un accès de fatigue se fait sentir, j’ai toujours une crise de bâillements contre laquelle j’essaie de lutter, en général vainement, car elle donne l’impression à mes interlocuteurs que ce qu’ils disent est inintéressant. Mais maintenant que ma bouche est confinée dans le secret de mon intimité, j’en profite à fond ; je ne crains même pas de me décrocher la mâchoire ! je baille goulument.
Dernier avantage du masque : on peut rêver la bouche ouverte sans craindre de gober les mouches, ni de passer pour un idiot.
Je l’avoue, je ne me suis jamais autant servi de ma bouche. Ah ! si cela pouvait durer !


Jeudi 28 mai :
J’ai un problème : comme pour tout le monde, mon corps est déconfiné. Mais pas mon esprit. Je n’arrive pas à penser à autre chose qu’à la situation ubuesque que nous traversons. Mes membres bougent, pas mes idées. Je me sens bloqué, constipé intellectuellement. Quand je prends un café, j’essaie de lire dans le marc si la maladie va me toucher, et quand je bois un verre de vin, je me dis que c’est peut-être le dernier. Mes jambes bougent parce que ma tête a besoin d’air, mais ma tête fait du sur place. Peut-être devrais-je voir un psy, mais raconter sa vie avec un masque, ce n’est pas très efficace.
Aujourd’hui, trois semaines après le classement de la France en région rouge et verte, notre Premier ministre a fait de nouvelles annonces pour aller vers un déconfinement total. Le rouge disparaît de la carte du pays, remplacé par l’orange.
C’est le cas de l’endroit où j’habite, l’Ile-de-France. Qu’est-ce que cela change ? Pour résumer, après deux mois et demi de fermeture, les bars et les restaurant peuvent de nouveau accueillir des clients, sauf en zone orange où seules les terrasses sont autorisées. La limitation à ne pas aller à plus de cent kilomètres de l’endroit où on habite, qui était imposée depuis le 11 mai, est levée. Les

établissements scolaires peuvent de nouveaux accueillir les élèves qui le souhaitent. Les parcs et jardins redeviennent accessibles partout en France.
Globalement, l’activité économique doit repartir. En écoutant le chef du gouvernement, j’ai pris conscience d’un paradoxe : la liberté nous rend le travail.
Une vision d’horreur m’est alors apparue en pensant à l’incroyable slogan que les Nazis avaient mis au-dessus de la porte d’entrée de plusieurs camps de concentration dans lesquels ils faisaient travailler les prisonniers comme des bêtes en les maltraitant à l’extrême, notamment à Birkenau :
le travail rend libre.
Mince alors, mon raisonnement semble déraisonner ! Une fois de plus, je constate qu’il faut se méfier de la pensée, surtout quand elle s’appuie sur une pseudologique donnée par la construction des mots. Pour me rassurer, je fais resurgir quelques sophismes. En voici quelques-uns. D’abord, les plus connus : « Tout ce qui est rare est cher, or un cheval bon marché est rare, donc un cheval bon marché est cher » et « Dans l'emmental, il y a des trous. Plus il y a d'emmental, plus il y a de trous. Plus il y a de trous, moins il y a d'emmental. Donc plus il y a d'emmental, moins il y a d'emmental ». Mais là, pour ma construction qui déraille, j’ai besoin
d’une logique fallacieuse qui fonctionne par chiasme (l’inversion AB-BA) : « un problème comporte toujours au moins une solution. Donc s'il n'y a pas de solution, il n'y a pas de problème. ». Euréka ! voici la preuve que le fonctionnement de ma logique ne fonctionne pas. Je me sens plus à l’aise pour affirmer haut et fort que:

« la liberté nous rend le travail, donc le travail nous rend libre » !!


SI J'ETAIS UN PAYSAGE...

Si j’étais un paysage, je serais un grand pré en pente douce qui va jusqu’au petit ruisseau bordé de peupliers et de pruniers sauvages.
Au printemps, l’herbe est bien verte, tendre. L’envie de faire des cabrioles est irrésistible. Puis s’étendre tranquillement les bras croisés derrière la tête pour écouter la nature, essayer de repérer les oiseaux, suivre leur vol d’une branche à l’autre.
Regarder de tout près les milliers de petites fleurs qui s’épanouissent après les longs mois d’hiver. Ce contact avec la terre m’est cher. S’approcher de l’eau, et la regarder filer, avoir envie de la suivre, de ruisseler avec elle pour découvrir d’autres paysages.
J’entends toujours dans mes souvenirs la chanson du ruisseau, celui où j’accompagnais ma mère pour rincer le linge, il y a si longtemps. »
Françoise Prat


L'ORIGINE DES MOTS
L’origine des mots apporte souvent des surprises. Intéressons-nous aujourd’hui au mot confins. Il associe deux mots latins : cum = avec, et finis = limite, frontière.
Première curiosité, « les confins » sont toujours au pluriel. Pour nous isoler, pour nous plonger dans la solitude, pour éviter un virus destructeur, il faut utiliser un mot qui traduit une multiplicité.

Ainsi, confinia, l’association des deux mots latins donnés plus haut, désigne les limites communes à des terres. Mais de quel côté sommes-nous ? La question a deux réponses opposées : il peut s’agir des limites intérieures : « les chtis et les Alsaciens sont aux confins de la France ». Il s’agit alors du bout du bout, du lointain, presque de l’ailleurs. Il faut une longue vue pour discerner cette limite.
Mais les mots dérivent comme les continents et peuvent avoir un second sens, bien différent du premier : il faut comprendre alors les limites que l’on trace à l’extérieur pour délimiter un intérieur. Dans le premier cas, il s’agit d’un lointain, dans le second, d’un enfermement.
Ainsi, les confins peuvent être centripètes ou centrifuges : vus de l’intérieur vers un autre monde, ou vus de l’extérieur vers la claustration et l’isolement.
Le confinement imposé le 17 mars dernier est à comprendre dans les deux sens : clairement, nous avons été enfermés dans des limites. Mais de l’intérieur de notre prison, nous avons passé notre temps à rêver d’un ailleurs, et des confins de la
liberté.
Confiné, j’ai fait de la confiture de fraise. Or, j’aime bien m’amuser à faire des étiquettes, car le contenant donne du panache au contenu. Dessus, j’ai inscrit : « Confiné de fraises fait pendant la déconfiture des hommes ». Quand les humains subissent la prison, ils se vengent en enfermant des fraises dans un pot. Bien fait !
En tout cas, pour ma part, je me déconfine. Me voilà de nouveau à Paris. En passant dans certaines rues, je me demande si la distance obligatoire d’un mètre est un minimum ou un maximum… Mais comment pourrait-il en être autrement Dans la ville de l’amour ?

Benoit Pastisson


 

L’habit de ville et l’habit des champs

 

 

 

Où êtes-vous habit de ville 

 

Confinés dans l’armoire, en exil ?

 

Vous me narguiez naguère

 

Quand vous sortiez tout fier

 

Maintenant, coup de cafard

 

Vous voilà au placard

 

Alors que je sors peinard

 

 

 

Moi, habit des champs

 

Disons-le, pas très fringant

 

Très exposé ce printemps

 

Je défile tambour battant

 

 

 

Triste habit de ville

 

Vous attendez immobile

 

La prochaine sortie utile

 

Votre ami, habit de fête

 

Fait sans doute la tête

 

Un jour, son tour viendra

 

Bientôt ? On ne sait pas

 

 

 

                                   Françoise Prat mai 2020

 

 

Orlaya

 

 

 

 

Ton nom si précieux

 

Est digne d’une reine

 

Orlaya

 

Tu règnes sans peine

 

Tes soeurs ont les yeux

 

Tournés vers toi

 

Orlaya

 

Fine fleur des champs

 

Humble et singulière

 

Créé par une dentellière

 

Tel un napperon blanc

 

Orlaya

 

Ton ombelle

 

Est si belle

 

Orlaya

 

Te revoilà

 

 

 

Françoise Prat

 

 

 

En réponse ... photo P. Le Batteux
En réponse ... photo P. Le Batteux

 

Coquelicot

 

Sur sa tige fragile et élancée

 

S’ouvre un calice rouge franc,

 

Épuré, sobre et lumineux à la fois.

 

 

Ses pétales savamment ciselés,

 

Volettent au moindre vent,

 

Froissés tel du papier de soie.

 

Secret est le cœur

 

De la fleur.

 

 

Lié étroitement à sa tige,

 

Le coquelicot a le vertige.

Françoise Prat

 


 

QUELQUES NOTES CONFINEES EN TEMPS DE CORONA - 2ème partie

 

 

Dimanche 17 juin 2011. Gardénia, ma mère, est morte depuis quelques mois déjà. Je suis à Toulal, une oasis du Sud-Est marocain. J’y ai des amis, M’bark Kassou et Fadma Fergani. Or, au Maroc, il convient, après le décès d’un parent, d’un proche, de faire la « charité durable » (« sadaka jariya »), de remettre en vie ce qui est mort à travers un geste altruiste qui aidera la communauté à mieux vivre, tout en perpétuant le nom de la défunte, du défunt. Et cette charité peut se manifester par des travaux d’intérêt public : creuser un puits, planter un arbre, construire un gué sur une rivière… Elle peut aussi s’exercer pendant des années, à l’égard d’une famille nécessiteuse ou d’un individu malheureux, d’un orphelin. Ce jour-là, M’bark s’est rendu au souk de Gourrama, le bourg le plus proche. Vers midi il en a ramené une pastèque ainsi qu’un jeune garçon malingre, qu’il a assis près de moi :

 

« C’est lui, me dit-il. »

 

Je peine à comprendre. Alors mon hôte de préciser :

 

« Ta sadaka… Ton orphelin. Il est gentil, sage à l’école. Ses instituteurs en sont contents. C’est un bon garçon : il ne te causera pas de problèmes. Il vit chez sa tante Harou, à Gourrama, dans l’ancienne synagogue. Il s’appelle Hammou Ahardane, un Aït Séghrouchni. Il a sept ans. »

 

Et voici que, trois ans plus tard, il s’est pris de passion pour la pétanque. Tout comme mon père. Et, le voyant pointer en un arrondi parfait de la main, je me dis quelquefois, dans un clin d’œil à l’éternité :

 

« Papa, celui-là, j’en suis sûr, c’est ton petit-fils préféré. »

 

 

Il y a des matins où l’on ne peut rien dire. Alors on écrit sur l’impossibilité de dire, d’écrire. On n’écrit rien. Et ce rien-là fait des phrases sur le papier, ce rien qui use l’encre et creuse les mots creux de notre vacuité. Pourtant, si je note : « Blancs merisiers en fleurs derrière la fenêtre », c’est déjà quelque chose. Il suffit de reconstruire la phrase :

 

              Blancs merisiers

 

En fleurs

 

Derrière la fenêtre.

 

Et voici un poème. Un haïku. Les mots vides ont capturé une forme, une couleur, un rythme. A chacun d’y ajouter une émotion, un souvenir, une espérance. Ce « derrière la fenêtre » trahit le confinement, l’envie de passer outre pour rejoindre le merisier au grand air. Et que dire de sa blancheur ? Ma page s’y reflète, en pétales libérés, comme si j’avais déchiré le papier en confettis pour les jeter par la fenêtre, dans le vent, un vent sage qui ne secoue pas les branches mais s’applique à y coller mes mots blancs tachés de bleu, comme un printemps qui s’annonce. Peut-être celui d’un livre nouveau que nourrit, jour après jour, la sève d’une petite espérance. Et j’attends, devant ma fenêtre, cet envol de l’imagination vers des pages nouvelles. Alors, sans bouger de ma chaise, ma plume courant sur le papier, je serai libre, libre de cette liberté qui n’appartient qu’aux poètes : déconfiné.

 

 

Je me laisse pousser la barbe, pour voir quelqu’un d’autre dans le miroir : ça me fait de la compagnie.

 

 

Cet après-midi j’ai traversé le pré entre la Fontaulière (torrent) et la nationale, avant de gravir à la course une colline herbeuse piquée de primevères. Au sommet, en lisière des fayards, je m’assois, à bout de souffle, sur une pierre moussue, confortable. De là je contemple mon village ardéchois, en contrebas. Il fait bleu dans le ciel. Un pic rocheux, surmonté d’une croix, me domine par-dessus un bois de sapins. Les premiers temps où j’enseignais à Saint-Cirgues en Montagne, tout en demeurant à Montpezat, je saluais au passage ce Christ montagnard d’un vigoureux « Salut, camarade ! » Moi qui venais du Maroc, je voyais en lui un frère d’exil, moins bien loti que moi, avec sa nudité que, de loin, j’imaginais frissonnante, drapée de fer autour des hanches. L’hiver me le rendit encore plus pitoyable, ce sans-papiers venu de Palestine. Que ne s’était-il envolé avec les hirondelles ? Il en avait le pouvoir : quel bel aéroplane c’eût été, cette croix dans le ciel ! J’étais quelque peu déçu par sa fidélité à son bout de rocher dominant Le Roux. Mais j’ignorais alors qu’il m’attendait, qu’il était là pour moi. Quelques années plus tard j’emménageai à la mairie de son village. Et depuis, chaque matin : « Salut, camarade ! » Entre exilés, on se tient chaud.

 

 

 

Hammou au téléphone : sa voix de caporal chef.

 

 

 

Je ne suis pas seul, dans mon appartement. Il y a mes plantes vertes, toujours plus familières. Et puis il y a « La Petite », un bonhomme de neige souriant, en caoutchouc, chapeauté de rouge, avec trois gros boutons lumineux sur le ventre. Un bruit un peu trop fort et aussitôt elle s’éclaire, se dandine et se met à chanter « Jingle Bells » d’une voix de fillette. Je l’avais offerte à Gardénia, ma mère, pour un de ses derniers Noëls, comme une jeune fille de compagnie entre deux visites d’infirmiers, d’aide ménagère. Elle la gardait près d’elle, sur la table de la salle à manger, près du fauteuil dans lequel elle s’était retirée, épuisée par une vie désormais trop lourde pour elle et ses quatre-vingt-quinze ans. C’est elle qui lui avait donné son nom. Depuis le début du confinement je la garde sur un meuble de mon salon. Et chaque fois que j’éternue, que je parle trop fort au téléphone, que je rabats le couvercle de ma gazinière, que je fais tomber un objet lourd… elle attaque son refrain. Je sursaute. Et c’est comme si ma mère se rappelait à moi, dans toute sa naïveté de vieille dame retombée en enfance, comme si elle était là, avec moi. Or hier, son chant s’est fait plus discret, mourant. Le dandinement s’est figé et les boutons ont cessé de s’éclairer : « La Petite » mourait. Et j’en fus bouleversé. Heureusement je trouvai des piles neuves dans un tiroir de la cuisine. Et de nouveau le chant enfantin retentit à travers l’appartement, encore plus fort, plus clair qu’au premier jour de nos retrouvailles. Et la danse reprit. « Bonjour, maman », tu m’as manqué. Et puis, tout doucement : « Tu me manques »… Et « la Petite » chantait. 

 

 

 

« Quelqu’un : Pourquoi lisez-vous ?

 

-- Parce que j’ai besoin d’amour. Je mets à part les romans policiers qui m’apportent l’oubli de moi-même.

 

-- Pourquoi écrivez-vous ?

 

-- Parce que j’ai besoin d’amour. Chaque fois que l’amour cède sous mes pieds, j’écris. Sinon je me tais. Rien n’est plus beau que la tendresse. Pour écrire on travaille à la pointe de la plume. Mais la vie vivante, on la pétrit à pleines mains, comme on fait le pain. Je suis, à manches retroussées, le boulanger de mes vivants bonheurs. »

 

 

 

L’Art s’applique, l’Art cherche la perfection, cette perfection qui le fige dans le marbre. Mais, pour moi ce n’est pas ça. L’art, pour moi, c’est le vent dans les feuillages : un jeu entre l’ombre et la lumière, au moindre souffle. L’art, c’est la vie. C’est ma vie. Avec cette part de maladresse, de vulgarité, qui en fait tout le tremblement, et qui l’aère.

 

 

 

Pour le ramadan, j’ai envoyé des fonds à Gourrama. Bien sûr, j’attends un retour d’amour de Hammou, de Tata Harou, comme une monnaie d’échange. Mais, pour eux, il s’agit par-là de se mettre à égalité avec moi et non point de se soumettre, ce qui serait humiliant. Mon amour lointain, dans ce moment de précarité, passe par l’argent. De l’autre côté il y a leur amour accru par la reconnaissance. Mais je n’achète rien. Je les sais suffisamment fiers, sincères, pour ne point se vendre. Simplement je consolide notre maison virtuelle, celle où, tous ensemble, nous vivons, par delà les distances. Et je fais mon devoir, comme le recommande le Petit Prince de Saint-Exupéry lorsqu’il énonce: « Tu es responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé. »

 

 

 

Messenger, avec Hammou :

 

« Moi. Qu’est-ce que tu fais, la nuit, après le ftour (repas de rupture du jeûne) ?

 

-- Je fais rien je parle et je fais la prière.

 

-- Ok. Moi, je regarde la télé et je parle à personne. Parce que je suis seul.

 

-- C’est pas beaucoup.

 

-- C’est rien.

 

-- Oui. »

 

 

 

 

 

Aït Séghrouchen pourquoi ? Je me demande parfois ce qui m’a amené à défendre le passé des Aït Séghrouchen, leur culture traditionnelle et vagabonde. Hammou? En partie, oui. Mais il ne fut que la clef de « la boite à bonheurs ». Il y avait là-dedans (et il y a encore) mon goût pour le désert, la vie pastorale, le feu de camp, l’archaïsme d’un monde ouvert à l’essentiel, la magie comme remède à nos angoisses existentielles, les légendes orales et les faits d’armes, toute cette culture aussi libre que le vent parce que portée par le souffle, les voix, et aussi la présence rare d’une humanité resserrée autour de la famille, ce point minuscule posé sur l’infini où l’individu, torsadé comme une racine par les tempêtes de sable et le soleil brûlant, porte en lui l’essence-même de tout ce que nous sommes, dans une précieuse précarité. Et cela, je peux le résumer d’un seul mot : Poésie.

 

Car, pour moi, la Poésie, c’est le souffle de l’âme (Rohe, en arabe : à la fois souffle et âme), l’espace infini de la pensée sensible, de l’émotion, sur l’aridité de la parole qui, tels des cailloux sur le désert, en désigne le sentier, à l’aventure. Alors, au bout du cheminement, la tente se dresse pour accueillir le lecteur : le livre ouvert sur la rencontre, le monde. Je ne sais pas où je vais ainsi. Je ne l’ai jamais su. Mais, loin des souks médiatiques, loin des marchés, je poursuis mon chemin parmi les pierres, libre, poussant devant moi mon troupeau de rêves sous le ciel qui, seul, me connaît. Aït Séghrouchni, cavalier solitaire d’une civilisation mourante, je porte en moi la folle espérance des fleuves à venir, des oasis fécondes où, enfin, je me reposerai. En attendant, je marche, moins certain qu’un prophète, mais tout aussi fort qu’un enfant à qui l’on n’a pas encore dit que les fées n’existent pas : j’avance.

 

 

 

Je voudrais dire ici la cohérence de ma vie. De toute vie.

 

 

L’Amour : aimer, être aimé, pardonner… Il n’y a que ça. Affairée à détruire, la haine se détruira à son tour, dans un brutal effondrement sur elle-même.

 

 

Mieux que miss Météo : « Des moines japonais ont tenu un journal climatique pendant 700 ans » (Facebook). Bonne idée. Ici il bruine. Ciel gris allant s’éclaircissant. Encore 699 ans moins un jour. J’espère que d’ici là nous pourrons sortir du confinement.

 

 

 

La politique manque d’amour, sinon celui de soi, cette forte part narcissique qui meut les politiciens à travers le goût du pouvoir. En cela elle trahit le but de tout engagement authentique : être au service de l’autre.

 

 

J’ai cueilli Hammou au réveil : il n’était pas armé. Je lui ai pris de la douceur.

 

 

« Quelqu’un :  Tu ne parles que de toi.

 

-- Parce que je parle d’expérience. C’est le mieux que je puisse dire. Moi, je n’ai que la vie à raconter. Ma sagesse, si l’on peut parler ainsi, elle ne vient pas des livres, mais de mon parcours personnel. Et je n’ai que cela à offrir. Je suis un marcheur de rencontres : chaque pas compte, dans sa plénitude. » 

 

 

 

On a enseigné aux pauvres à remercier Dieu pour leur misère, afin de mieux les soumettre. Mais le remerciement est nécessaire car il fait de nous des sages. A partir de là on peut entreprendre une révolte juste, généreuse, tournée vers les autres, loin de l’égocentrisme ambiant dans notre pays. Toute révolte doit d’abord s’appuyer sur ce qu’on a, comme sur une première marche. Ainsi, dans l’hymne de Violeta Parra « Gracias a la vida », ce qui me bouleverse, c’est son action de grâce envers les choses les plus simples de la vie : les cinq sens, la mobilité, les fruits du cerveau humain, le rire, les larmes, et même l’alphabet, rejoignant ainsi le « Cantique des créatures » de saint François d’Assise (« Loué sois-tu, Seigneur, pour mon frère Soleil… ma sœur Lune et les étoiles… mon frère vent… ma sœur eau…mon frère feu… ma sœur notre mère Terre… ») Les pauvres savent dire merci. C’est une parole qu’on n’apprend pas aux enfants gâtés. Pour moi c’est une priorité : la reconnaissance.

 

 

Il me semble tout aussi miraculeux d’habiter mon appartement du Roux qu’une tente nomade ou la synagogue de Gourrama au milieu de ma famille Aït Séghrouchnie. Cette faculté d’émerveillement me ramène chaque fois à l’innocence d’une vie toujours renouvelée dans sa fraîcheur première : une perpétuelle genèse de la Joie.

 

 

 

Je m’étais laissé pousser la barbe :

 

« -- Comment tu me trouves, Hammou ?

 

                 -- Vieux. »

 

             Du coup, je viens de me raser :

 

             « -- Comment tu me trouves ?

 

             -- Gros. »

 

Ce garçon, pour le moins, manque de nuances.

 

 

 

 

Sa vie, on la construit avec des pierres, à l’extérieur de soi : on monte des murs, on laisse sur son chemin des œuvres ancrées dans la terre ou à la vitrine des librairies. Et puis il y a la vie intérieure, ce qu’on bâtit à l’intérieur de soi, invisible. Certains d’entre nous ont la chance de fonctionner dans les deux modes. D’autres n’ont, pour exister, que le poids de leur réussite sociale, économique. D’autres enfin, dont je suis, n’ont que leur légèreté à partager. C’est comme la lumière : on ne peut la saisir entre ses doigts, mais elle éclaire et réchauffe.

 

 

 

J’ai toujours souffert lorsqu’on faisait du mal à un livre (moins, bien sûr que lorsqu’on frappe un enfant, un être humain, un animal…) Mais je sens en moi, alors, plus qu’une égratignure et un peu moins qu’un coup de canif. A croire que ma chair abrite du papier, des mots, que je suis « l’Homme Mixte » avec, dans mes veines, mêlée à mon sang, de l’encre « Waterman bleu sérénité », celle-là même avec laquelle j’écris ce journal.

 

 

 

Mort d’Idir annoncée ce matin à grands coups de « Avava i Nouva » son tube planétaire en langue amazighe. Avec d’autres chanteurs comme N’ba de Saghruband et Rouicha, disparus eux aussi, il incarnait pour moi la culture de ce peuple auquel mes tatouages berbères rendent hommage sur mes bras. Grâce aux Amazighs de mon entourage j’ai appris, dans les oasis, à me courber vers la terre fertile, les plantes, les ruisseaux d’irrigation, solidaire devant les caprices de la nature, tandis que le désert m’a enseigné à me tenir droit, à marcher sous le soleil derrière un troupeau de chèvres, de brebis, et le prix de l’Homme, si rare dans ce milieu nomade et toujours accueilli comme un roi pour la simple raison qu’il est un bout d’humanité, aussi humble soit-il. Le prix de ma vie s’en trouva alors décuplé, le prix de l’ombre aussi, et de l’eau. Car c’est le désert qui fait l’ombre plus belle, et plus forte la soif, et plus chère l’humanité.

 

Idir est mort. Tout comme N’ba et Rouicha. Les Berbères ne chantent donc plus ? Les voix des hommes meurent, mais la musique reste : le vent du désert qui sait si bien murmurer ses histoires aux branches du tamaris, le vent du désert n’a pas de fin.

 

 

 

Hier, la fuite d’un renard parmi les boutons d’or, pas loin de moi. Le bout blanc de sa queue rousse, en panache. Ces battements de cœur émerveillés chez le promeneur que je suis, les mêmes que ceux qui cognent en moi, la nuit, au passage d’une comète : insaisissables miracles de la vie.

 

 

 

Quelle force, soudain, dans la beauté qui échappe et ne se laisse pas approcher ! C’est cette liberté qui en augmente le prix. Car on ne tarde point à se lasser de ce que l’on étreint, tandis que le furtif enchante encore longtemps la mémoire.

 

 

 

En ce moment délicat où l’union devrait créer une force d’empathie universelle, de générosité, on préfère fragmenter le combat en une infinité d’individualités stériles à force de contradictions. On a fait d’un enjeu de santé un enjeu de pouvoir. C’est lamentable. C’est humain. C’est nous.

 

 

 

La polémique entretient l’audimat. Chaînes de radio, chaînes de télé : aujourd’hui je brise mes chaînes. Me voici libéré.

 

 

 

On ne dialogue qu’avec les gens qui sont de notre bord. Avec les autres on crie, ou on se tait.

 

 

 

 

Un papillon en laisse : Certains sortent le chien. Moi, j’ai cheminé jusqu’à Moredon escorté par un papillon jaune, voletant à mon rythme de marche, au-dessus du bas-côté. Je lui ai parlé.

 

 

 

 

« Toi : Tu as du rose, là, sur les chaussettes.

 

Moi : C’est des flamants : les flamants c’est toujours rose.

 

Toi : Le rose, c’est pour les filles.

 

(A la piscine)

 

Toi : Ton ventre est mou. Fais du sport.

 

Moi (Je rentre le ventre)

 

Toi : Tu triches. T’es tout rouge. Tu devrais essayer de respirer.

 

Moi (Je me relâche)

 

Toi (M’enfonçant un index cruel dans l’estomac)

 

Tu vois, c’est mou. T’es gros : après, tu vas voir ta tension, tiens !

 

(Tu me pousses dans l’eau).

 

(Au restaurant)

 

Toi : Tu parles trop fort. Tout le monde nous regarde.

 

(En fait on est seul dans la salle.)

 

(Toujours au restaurant, à l’heure du dessert.)

 

Toi : Prends un fruit.

 

Moi : Non. J’aime les mille-feuilles.

 

Toi : Prends en trois.

 

Moi (Ravi, quoique étonné) :

 

Trois mille-feuilles ??!!

 

Toi : Non, trois feuilles. (Rire idiot de l’ado.)

 

(Chez Kiabi.)

 

Toi : Tu vas pas acheter ce blouson, non ?!

 

Moi : Il est en solde. C’est une affaire.

 

Toi : (Et là j’ai le choix entre :) C’est pour les jeunes.

 

(ou) C’est pour les vieux.

 

(Ce qui ne m’aide pas.)

 

(Il pleut. Tu t’ennuies.)

 

Moi : Fais-moi un joli dessin : ça t’occupera.

 

Toi : Et puis quoi, encore ? Tu voudrais pas que je repeigne la cuisine, en plus ?

 

( A table, face à face, par-dessus un plat de spaghettis)

 

Toi : T’as un grand front. Ca fait intello. Laisse pousser tes cheveux.

 

(Un mois plus tard)

 

Toi : C’est quoi, ces cheveux longs ??!! On dirait un briard.

 

Moi : Un briard ?

 

Toi : Ouais, un gros chien à poils longs.

 

(Ricanements).

 

(Je viens de publier un nouveau livre, aux éditions de « La Calade ». Je rayonne en te le présentant.)

 

Toi (Froid) : C’est bien. J’aime la couverture.

 

Moi (Inquiet) Mais tu vas le lire, oui ?

 

Toi : Y a trop de pages. Tu me le raconteras. T’es un conteur, non ? »

 

Et tant d’autres agacements quotidiens…

 

Moi : Aujourd’hui, confiné loin de toi, je traîne, seul, dans l’appartement, en pantoufles et survêtement informe, les pieds dans mes chaussettes à flamants roses, cheveux longs et barbe de huit jours, les mains toutes prêtes à bondir vers ma boite de mille-feuilles sur la table. J’ai grossi de deux kilos. Je me parle tout seul, et je dessine au fusain, histoire de faire quelque chose de mes idées noires. Je n’ai pas le courage de repeindre la cuisine. Et même mes plantes vertes ont honte de moi, avec leurs feuilles pendantes qui n’osent plus me regarder. Tu sais quoi, Hammou ? Tu me manques. Et c’est à mon tour de me sentir orphelin.

 

 

 

Enfin libéré après 55 jours de confinement. Ca me rappelle un film avec Charlton Heston et Ava Gardner : « Les 55 jours de Pékin », sur la révolte des Boxers en 1900. Toutefois, avec moins d’action et de décors. Ca ne m’étonne pas : la France a toujours privilégié le cinéma d’art et d’essai à petit budget, la salle de bain pour l’érotisme et la cuisine pour le débat d’idées. Télérama adorerait mon scénario vécu sur le confinement : des heures de pellicule où il ne se passe rien. Mais à présent je vais sortir : place à la super production !

 

 

 

Jean-Marie Simon, Le Roux, Lundi 11 mai 2020

 


EXTRAIT DES CHRONIQUES DE SEMAINES PAS TOUT-A-FAIT ORDINAIRES DE BENOIT PASTISSON

Dimanche :
Le gouvernement veut nous transformer en contorsionnistes : avez-vous réellement essayé d’éternuer dans le coude ? J’ai eu beau me tordre le bras dans tous les sens, je n’y suis pas parvenu. Par contre, je me suis fait une luxure de l’épaule et du bras qui a bien failli me conduire tout droit dans un service d’urgence. Un comble, dans cette période de saturation ! En plus, un coude est arrondi : quand la bouche souffle dessus, l’air passe partout autour et se répand dans tous les sens. Essayez donc, en plaçant une balle de ping-pong devant les lèvres au moment d’éternuer. L’effet pommeau d’arrosoir est joli à contempler. J’ai donc adopté une autre technique : maintenant, j’éternue dans la pliure intérieure de mon bras. Ça marche, c’est génial. Peut-être devrais-je proposer cette méthode au gouvernement ?

Lundi :
Deux parties de mon corps ont connu l’ivresse dans le passé : mon esprit et mon coeur. Grâce au coronavirus, une nouvelle zone vient de rencontrer l’ébriété : mes mains. Les pauvres, elles n’y sont pour rien : en entrant et en sortant des magasins ouverts, il faut maintenant remplir ses paumes avec une substance alcoolique qui n’a rien d’un gel puisqu’il est 100% liquide. Ce matin, j’ai visité trois commerces, et mes mains ont été forcées de boire six fois ! L’effet s’est vite fait ressentir : je ne les contrôlais plus. Elles volaient dans l’air en tous sens, dessinaient de jolies arabesques, titubaient en faisant des noeuds. L’une d’elle a même frôlée involontairement les fesses d’une femme qui s’est retournée vivement en m’accusant d’avoir les mains baladeuses. J’ai eu beau expliquer que je n’étais pas maître d’elles, la dame m’a pris à la fois pour un pervers et pour un horrible affabulateur. Après trois heures de délire, elles se sont calmées, puis sont entrées dans un profond sommeil. J’ai circulé alors les bras ballants, ne pouvant ni saisir un livre, ni un outil. Un conseil : si vous ne voulez pas vous casser la figure, éviter de mettre du produit pour désinfecter vos pieds...

 


Henri Klinz était un jeune gendarme lorsqu'il croise le 24 août 1977 la route de Pierre Conty, militant anarchiste, fondateur d’une communauté hippie en Ardèche. Seul survivant au  triple meurtre commis par Conty ce jour-là, il reste profondément marqué par ce sinistre événement. Pendant 35 ans, il enquête sur l'affaire Conty et publie en 2017  "Mon témoignage sur l'affaire Conty". Il prépare actuellement une suite à cet ouvrage.

Dans l'article qui suit, il apporte des éclairages particuliers sur le dossier.

Qui protège Pierre Conty

 

Ce qui ne devait être qu'un simple fait divers est resté profondément gravé dans la mémoire collective des ardéchois. Toute une nébuleuse est venue habiller l'affaire. Ainsi après l'effervescence créée par les tueries du 24 Août 1977 bien des ardéchois se sont posés des questions.

 

Les ratés des services de police, le silence des autorités, la fuite des malfaiteurs etc. nourrissaient les spéculations. Un doute avait peu à peu envahi les esprits : Comment malgré l'importance des moyens mis en place, les malfaiteurs avaient-ils pu s'échapper ? Pierre Conty a-t-il bénéficié de protections ? La rumeur se répandait sous le manteau, d'abord, dans la région d'Aubenas où se sont déroulés les principaux meurtres puis peu à peu dans tout le département.

 

Etonnamment, c'est depuis le Palais de Justice de Privas que l'affaire a éclaté au grand jour. Le premier à sonner du cor fut un avocat du barreau.

 

Qui protège Conty ? Ces mots de Me Perrin, avocat des parties civiles, résonnent encore dans la mémoire des ardéchois. Le bâtonnier n'a pas hésité lors de l'audience publique du 13 janvier 1978 à mettre en cause l'institution judicaire, désignant ouvertement le substitut du Procureur de la République. L'adjoint du Procureur ne lui avait-il pas dit, lorsque les plaintes avaient été déposées : "Vous direz à vos clients qu'il est inutile qu'ils portent plainte. Je mettrai ces plaintes sous le coude." Quelles motivations animaient ce magistrat pour camper ainsi sur de telles positions ?

 

Cette mémorable audience correctionnelle du tribunal de Privas était l'aboutissement de dix ans de procédures judiciaires classées sans suite, dix années aux cours desquelles Pierre Conty s'était rendu coupable de 17 délits, légalement punis de peines d'emprisonnement. La première affaire, survenue en 1969 avait fait l'objet d'un rapport de gendarmerie (PV n° 340) de la brigade de St Martin de Valamas pour coups et blessures volontaires sur la personne du berger Noé Chaussignant. Le pauvre garçon avait eu le malheur de se plaindre auprès de Georges Curinier maire de Chanéac, rapportant que les troupeaux de la communauté néo-rurale de Rochebesse venaient régulièrement paitre sur ses terres. En représailles à cette dénonciation, Pierre Conty avait sérieusement corrigé le berger, lui administrant une "rouste" magistrale ayant entrainé un mois et demi d'hospitalisation. Noé avait alors déclaré aux gendarmes : "Il me frappait dans le ventre à coups de poings et de pieds. J'étais rouge de sang. J'ai dû lui demander pardon pour qu'il me lâche". Cette première affaire avait été suivie de seize autres procédures s'étirant du vol aggravé aux menaces avec arme, entrecoupées de trois présentations devant le juge en 1972,1976 et 1977. Mais le rebelle de Rochebesse conduit par les gendarmes au tribunal avait été remis en liberté le jour même. Plus surprenant encore, il obtenait en Décembre 77 un avis favorable à une demande de détention d'arme, huit mois seulement avant les meurtres de Pont de Labeaume. Même si le Procureur, avait reconnu que ces affaires avaient été classées un peu hâtivement, le principal était ailleurs, d'autant que le dossier de détention d'arme ne relevait plus de l'autorité judiciaire mais de celle du Préfet…

 

En rapportant les échanges sulfureux entre le Parquet et l'avocat Perrin le journaliste de La Marseillaise oublie un détail important dans son article paru le 14 janvier 1978 : le substitut du Procureur de la République était en fait "une" substitut… Comment ne pas rapprocher cet épisode survenu à l'audience du tribunal de Privas de celui survenu plusieurs mois auparavant au cours duquel Pierre Conty se trouvait au domicile d'une magistrate à Privas, invité à diner, alors que les gros bras du Service d'Action Civique (S.A.C) étaient venus frapper à la porte, dérangeant le couple en soirée ? Que faisait Pierre Conty le soir, au domicile d'une magistrate ?

Le maire de Chanéac s'était indigné du laxisme de l'institution judiciaire et de son manque de réactivité pour régler la situation. Il avait écrit sans succès aux autorités du département, adressant également un courrier au Président de la République, s'indignant de la protection dont jouissait Pierre Conty. Son courrier était resté lettre morte. Entendu par le juge d'instruction, bien après l'affaire du 24 août 77 il argumentait notamment que jamais les litiges de voisinage survenus en milieu rural mettaient autant de temps pour être cités devant la juridiction pénale. Répondant également à mes interrogations le Procureur m'avait rétorqué que le calendrier des audiences, trop encombré n'avait pas permis de les traiter auparavant. Dix ans cependant s'étaient écoulés. Quant au principe visant à juger un individu en fuite, ce procédé discréditait encore davantage une institution judicaire déjà bien décriée. Que devrait-on dire à présent !

 

Faut-il donc s'arrêter à un problème de personne et considérer que Pierre Conty jouissait seulement de faveurs d'un (ou plutôt d'une) magistrat, le Procureur essayant vainement de recoller les morceaux ? Dans ce cas, comment interpréter l'article publié dans La Tribune le 15 avril 1977 et qui semblait aller bien au-delà des limites de la compétence du tribunal de Privas ? Le journaliste écrit en effet : Qui Protégeait Conty ? La vraie question est là. Tout le monde était au courant des agissements de Conty : Préfet, Ministre de l'intérieur, Procureur Général à Nîmes, Procureur à Privas, etc, etc… .

 

Le dispositif impressionnant et le déploiement des forces jetées sur le terrain dès le 25 août avaient fortement impressionné la population. Escadrons de gendarmerie Mobile, effectifs rappelés dans les brigades, hélicoptères, policiers de l'Office Central de Répression du Banditisme (OCRB), etc., étaient déployés dans le département et les départements limitrophes de la lozère, de la Haute-loire et de la Drôme. Les moyens étaient à la hauteur de l'évènement : la plus importante affaire criminelle survenue en Ardèche depuis la Restauration (Affaire de Peyrebeille).

 

Le GIGN était intervenu spécialement. En effet, un renseignement (qui s'est avéré par la suite erroné) faisait état de la présence des malfaiteurs cachés dans une grange quelque part dans la région de Largentière, dans un coin de campagne isolé. Celui qui deviendra plus tard le célèbre capitaine Barril s'était déplacé en personne à la tête de son unité afin d'investir la bicoque. Un "topo" avait eu lieu une heure auparavant dans la salle d'instruction de l'ancienne caserne de gendarmerie de Largentière au cours duquel Barril (alors chef de groupe) avait donné ses instructions et mis en place le dispositif d'intervention. Pour beaucoup, la présence ici de Paul Barril semblait très énigmatique. Sa relation d'enfance avec Pierre Conty (1) expliquait sans doute son déplacement personnel en Ardèche.

 

La journaliste Mathilde Leuleu qui a travaillé sur le dossier Conty en 2017 a rencontré Paul Barril aujourd'hui retraité. Questionné sur la situation actuelle de Pierre Conty, l'ancien officier de gendarmerie aurait rétorqué à sa visiteuse que Conty est mort, descendu par les services secrets en Italie, il y dix ans. Cette réponse semble bien étrange et appelle bien des interrogations. Pourquoi l'intervention des services secrets dans ce dossier ? Conty aurait-il détenu des secrets ? Pourquoi l'abattre ? Comment expliquer l'intervention des militaires de la Direction Générale de la Surveillance Extérieure (DGSE) en Italie ? J'avais des informations plus sérieuses me permettant d'affirmer que Pierre Conty était toujours vivant et séjournait encore à l'étranger en 2017. Un mort qui se porte bien !

 

Le nom de Paul Barril mis en cause par la presse dans plusieurs affaires d'état revient souvent dans le dossier Conty. Aux dires de Marie (la dernière amie de Pierrot) l'intervention de l'ancien capitaine, proche de l'Elysée ne serait pas le fruit du hasard.

 

Au cours des deux années d'Instruction préparatoire (d'Août 77 à Mai 80) qui ont suivi les évènements sanglants de l'été 77, la Direction Générale de la Gendarmerie Nationale (DGGN) à Paris a "dénoncé" le capitaine Barril à la Direction Centrale de la Police judiciaire. Le fait est exceptionnel et méritait d'être souligné. Dans ce courrier officiel la Direction Générale de la Gendarmerie précise en effet que l'officier de gendarmerie aurait rencontré Pierre Conty à Névache (05) après l'affaire. Névache est une petite commune des Alpes de Haute-Provence où Pierre Conty et Paul Barril ont passé leur enfance (1). Un ancien chalet désigné à l'époque sous l'appellation de "grange" était leur lieu de rencontre pour leurs jeux d'enfants. Sommé de s'expliquer, Paul Barril a été entendu par les inspecteurs de police sur sa possible rencontre avec Conty après les tueries du 24 Août 77. Paul Barril réfute catégoriquement les accusations venues de la Gendarmerie, expliquant qu'il se trouvait bien à Névache après les faits, mais que l'homme qui a été vu sortant du "chalet" n'était pas Pierre Conty, mais "le frère à son beau-frère". Ce dernier entendu à son tour confirme la déclaration du gendarme, mais le doute subsiste...

 

Henri Klinz

 

 (1) "Missions très spéciales" de Paul Barril - Ed Presses de la Cité

       "Les Espérados" de Yannick Blanc - Ed. L'échappée.

 

 

 

 


Mon expérience rêveuse

 

La ville dans laquelle j'évolue est grise et les rues vides de population. en cette sensation de fin de journée, je croise deux ou trois "commerçants" m'observant passer . Il n'y a aucune suspicion dans leur regard, au contraire, on se regarde les uns les autres comme rassurés de continuer à voir des humains conscients d'être là... Même si moi, je me demande quand même pourquoi, il n’y a personne d'autres, pas de famille, pas d'enfants pas d'animaux....

 

Allez savoir pourquoi et comment, je suis en train de visiter des appartements, plusieurs, et tous sont vides de personnes, mais pas "d'activités récentes".... Au contraire, les appartements sont habités, un peu de nourriture fraîche, des plantes encore vertes , mais vides d'humains, de personnes actives.

 

Je découvre alors au fur et à mesure de mes visites à la recherche d'un contact humain que la majorité des gens adultes et enfants vivent à travers des masques de réalité virtuelle, et la vie qu'ils souhaitent, la nourriture qu'ils veulent se trouvent en en vidéo....

 

Je trouve enfin des familles entières dans leur appartement, masquées et physiquement dans des fauteuils, assis à leurs tables, des enfants assis par terre sur le tapis de leur salon, un jouet en bois à la main......immobiles, respirant mais immobiles, masqués des casques de réalités virtuelles.....

 

J'avoue, j'adore le cinéma d'anticipation, donc mes rêves en sont inspirés j'imagine. j'en ai d’autres en stock 😄 celui la est le rêve le plus présent de la situation inédite de confinement.

 

Bonne nuit !

 

Amandine Ribiollet

 


Aujourd'hui, Garance Schelenz, 11 ans, de Montpezat, vous propose à la lecture les premiers chapitres de son nouveau roman.

Elle a aimé lire les chapitres de son premier roman* au fur et à mesure qu'elle l'imaginait et l'écrivait, à des auditeurs de passage qui lui prêtaient leurs oreilles attentives.

Aussi, en ces périodes de confinement, cet exercice est devenu impossible, et elle compte donc sur votre avis (à envoyer via la page "contact")

*voir en page "avis/conseils lectures, films, musiques..." la couverture et résumé de son premier roman

Pour plus de confort, nous vous invitons à agrandir le texte : onglet "ouvrir le menu" en haut à droite sur l'écran de votre page internet, puis zoom

La suite est en cours d'écriture....

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Des nouvelles du Plateau ardéchois...
Cet après-midi, entre Issanlas et Saint-Cirgues, j'ai remarqué ces genêts qui fleurissent avec un mois d'avance.
Les myrtilles aussi sont en fleurs  et, les saints de glace n'étant pas encore passés, c'est inquiétant car gare au gel !!!!
Tous les arbres ont feuillé sauf les frênes, ils sont toujours en retard mais le reste c'est vert et vu les températures l'herbe pousse après la pluie de la semaine.

 

Ma phrase positive du jour : "L'espoir est la plus grande entrave à la vie. En prévoyant demain, on oublie aujourd'hui". (dans une certaine limite, cependant,  il faut bien prévoir )...
Rose de la Montagne
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Avec Lamartine sous la nécropole des princes de Savoie.

 

Et qu’importe le temps....

 

 

Comme un trait de turquoise au flanc de la montagne,

 

Du fier massif des Bauges aux marais de Chautagne,

 

Ce miroir profond qui reflète les cieux

 

Garde le souvenir des princes et des Dieux :

 

Hautecombe flamboie dans la lumière bleue.

 

 

Sur la rive dorée bruisse la roselière.

 

Des cheveux de Vénus au canal de Savière,

 

La poule d’eau navigue avec la nette rousse

 

Et le canard colvert frétille dans la mousse.

 

Le grèbe huppé parade, ses petits sur le dos,

 

L’avocette élégante brasse les lentilles d’eau.

 

Dans le matin brumeux le pêcheur attentif

 

Guette perche et gardon sur son fragile esquif.

 

 

De Brison au Bourget, tout resplendit encore,

 

Les ombres du passé baignent les petits ports.

 

De Tresserve à Bourdeau dans les couchants vermeils

 

Partout les volets clos espèrent le soleil.

 

 

Les larmes du poète ont laissé sur la rive

 

Le souvenir lointain d’amours à la dérive.

 

Les bateaux à l’ancre dansent sur l’eau qui dort.

 

Mais qu’importe le temps, qu’importe le décor :

Et qu’importe le temps, qu’importe le décor

 

Hautecombe frémit dans sa lumière d’or.

Magnifique abbaye qui abrite les tombes des derniers princes de Savoie.

 

Madeleine Covas

 

Quelques notes confinées en temps de Corona

 

 

Le coronavirus m’a surpris à mon domicile du Roux, à une semaine de mon retour au Maroc. Je devais y rejoindre, à Gourrama, une famille nomade de la tribu des Aït Séghrouchen où je compte, depuis des années, de nombreuses attaches affectives, en particulier chez celle que j’appelle « Tata », Harou Ahardane, veuve qui héberge à côté de ses deux fils et de sa mère Zéno, chamane guérisseuse, ses neveux et nièce afin de leur permettre de suivre les études au bourg tandis que leurs parents nomadisent. Parmi eux, un jeune orphelin, Hammou, dont je suis le tuteur. Là-bas, nous vivons tous dans une synagogue désaffectée dont Harou est la gardienne. Me voici donc Chrétien parmi des Musulmans dans un sanctuaire juif. Ainsi va la vie dans ce qu’elle a de meilleur. Cette fois elle s’amuse à nous piéger chez nous, dans la crainte d’un virus venu de Chine. Comme beaucoup je prends des notes. Les voici, en espérant que mon témoignage confiné trouvera quelque écho favorable parmi les autres détenus en leur prison domestique.

 

Annie, la secrétaire de mairie est partie ce matin pour un télétravail à domicile. Le village s’éteint, sous le soleil.

 

Ce matin le Roux me semble encore plus silencieux que d’habitude. C’est sans doute qu’aucune voiture n’est passée pour se rendre au travail. Pas de Roland non plus pour le café du matin. Rien ne vient troubler cette inquiétante paix matinale. Une buse s’est approchée : elle traverse le ciel bleu par-dessus les toits. Autour de moi, tous les volets sont clos.

 

J’ai appelé Tata. Le petit Ali au téléphone : il va partir rejoindre ses parents sous la tente, faute d’école. Je lui dis qu’il va devenir un âne avec de très grandes oreilles. Et là, il m’offre son rire clair d’enfant comme une caresse un peu vive sous l’eau, quelque chose d’étouffé, lointain et pur, à la source de la tendresse. Puis viennent Malek, cinq ans, et nana Zéno, la grand-mère, vite suivies par Yassine et Smaïl, les fils de Tata. Mohand et Younès sont déjà partis rejoindre la tente familiale. Ils seront mieux là-bas, en tout petit comité. Enfin Hammou me fait un rapport sur la situation : un groupe de jeunes volontaires désinfecte les rues et autres lieux publics tandis qu’une ambulance munie d’un haut-parleur invite les gens à rester chez eux. Et puis il ajoute :

 

« Ce jour les gendarmes tournent à la rue et s’ils voient quelqu’un dehors ils vont le casser. »

 

Et Tata s’empresse d’ajouter :

 

« Tout le monde se lave bien les mains tous les quarts d’heure avec le Tide et la Javel. » 

 

Me voilà rassuré. Je peux dormir tranquille. Ce que je m’apprête à faire, serrant contre mon cœur le rire léger d’Ali comme un papillon aux ailes feutrées, promesse de lumière, de liberté.

 

Regardons un peu ce coronavirus. Il m’isole. Mais, en même temps il me rapproche de tous ceux que j’aime, par téléphone, Messenger, WhatsApp, facebook…  Hier, ma cousine Ilaria m’a appelé d’Italie où elle est infirmière (Que Dieu la protège. Et je dis « Dieu » à défaut de pouvoir nommer autrement mon désir de miracle.) Voilà plus de deux ans qu’on n’avait plus de contact. Alors on échange des nouvelles de nos familles. On se souhaite le meilleur… Avec elle bien d’autres attachements remontent à la surface en ces jours de confinement : des voix à travers ce ciel bleu trompeur ou ces nuits étoilées, des voix qui apportent le meilleur d’elles-mêmes. Et, sous leur gravité, on devine des sourires qui esquissent la joie d’être ensemble dans une même inquiétude fraternelle, un même combat : des voix solidaires. Par elles, avec elles, nous vaincrons.

 

Envisager les retrouvailles d’été à Gourrama, ce serait, d’une part vivre dans l’impatience, et d’autre part risquer l’une des pires déceptions qui soit. Vivre au jour le jour. Tout comme les bilans de l’épidémie. 

 

Je passe mes journées sur facebook, Messenger, WhatsApp, au téléphone ou à l’écoute de la radio : je me relie à mes proches, à la France, au monde. Le coronavirus a pris mon esprit en otage.

 

Je trouve trop de haine sur facebook. Tous ces gens savent mieux que quiconque ce qu’il faut faire. Autrefois on priait. Aujourd’hui on gueule.

 

Sortie à l’Intermarché de Lalevade. Confiné depuis plus d’une semaine j’ai envie de parler à un humain en chair et en os. Mais, entre les rayons, tous ces gens ne sont plus, derrière leur chariot, que des choses en mouvement : pas un regard, pas un mot,  comme si le simple fait de se regarder  à deux mètres de distance, de se parler de loin, les condamnait au virus, clientèle fantôme dans un film de zombies. Allez ! je file, après avoir jeté mes gants dans une poubelle. Je rentre chez moi retrouver Internet, le téléphone et la télévision : toute une vie branchée frustrante et dérisoire. Qu’est-ce que je donnerais pour une poignée de main, pour une caresse, un baiser !

 

J’ai arrosé mes plantes vertes. Et j’ai rempli un grand verre d’eau pour trinquer avec elles : santé ! Aujourd’hui c’est mon anniversaire.

 

S’il me restait une toute petite chance de rejoindre ceux que j’aime, je souffrirais. Mais là, tout est bloqué. On ne lutte pas contre l’Impossible. On l’accepte. Sans s’y résigner mais en l’intégrant dans un nouveau courant de vie, un présent purifié de tout regret, actif et bienveillant.

 

La séparation ? Ma vie a campé là-dessus. Pour avancer j’ai dû quitter, tour à tour, bien des gens aimés, pour mieux les retrouver par la suite. Je crois qu’on s’habitue au vide, à l’attente. Comment ? En cultivant le présent, les émerveillements quotidiens, l’écriture aussi : vivre l’instant dans toute sa richesse (Une mésange charbonnière sur le balcon.

 

            Ma bibliothèque contre le mur, comme une porte ouverte sur le monde, la multitude des gens, des pays, des époques, des pensées : un voyage inépuisable, une lanterne de papier qui recrée le soleil, la route, les hommes.

 

            Chaque matin je caresse mes plantes vertes et je leur dis bonjour avant de tirer le rideau pour leur donner de la lumière : penser aux autres, c’est essentiel pour se sentir vivant.

 

            Désormais il m’arrive de couper le téléphone et Internet : je perds trop de temps à répondre. Du fait du confinement les gens parlent plus longtemps. Au bout du compte, à ce rythme, je ne fais plus grand chose de mes journées. Mon écriture se fragmente entre deux appels. Et moi qui pensais profiter de ce temps libéré pour écrire « le roman du siècle », je ne fais que rédiger des notes variées sur des sujets plutôt banals dont, sur le moment, je crois faire d’éblouissants aphorismes ou de touchants poèmes en prose. Mais, à la relecture, c’est plutôt dérisoire, comme le fruit sec de tous ces gens qui s’appliquent à gribouiller sur leur ennui. Force est de reconnaître que mon quotidien manque parfois d’inspiration.

 

            Les mouches prennent le soleil sur la rambarde de mon balcon : toute une colonie plagiste comme des Parisiens sur les quais de la Seine. Je m’assois, dos au mur tiède. Je les imite. Moi qui me plaignais  de mon isolement, me voici en bonne compagnie.

 

            Le chanteur Christophe est mort à soixante quinze ans, nous laissant ses mots bleus. Et pourquoi pas moi, guère plus jeune ? Dès lors, comment ne pas s’interroger sur l’existence, dans ces jours de solitude ? Sous la menace, il nous vient le goût des bilans. Ma mère ? Très catholique, femme au foyer, italienne. Mon père ? Communiste athée, militant C.G.T, travailleur, provençal. Tout me semblait alors à sa place : le Ciel et la maison pour Gardénia, la Terre et le bureau pour Pierre. Des valeurs pas si opposées que cela. D’un côté les biens spirituels, de l’autre les biens matériels. Mais, dans les deux cas, un combat quotidien pour une vie meilleure. Et me voici aujourd’hui, le fruit comblé de cet entre-deux domestique. De culture chrétienne, j’ai perdu la foi, tout en héritant de ma mère le sens du merveilleux, le goût d’une mystique sans rivage sur laquelle je navigue, une mystique de la Vie sous toutes ses formes. Du communisme paternel j’ai retenu une méfiance instinctive face aux religions établies, mais aussi face aux partis politiques depuis la révélation des goulags, de la dictature stalinienne.  Et cela a fait de moi un homme libre, désengagé du côté des codes et des rites établis, mais profondément engagé dans mes propres valeurs de tolérance et de fraternité dès lors que, autour de moi, je décèle de l’amour, du respect, de l’accueil, d’où qu’ils viennent. Je suis prêt à tout, à toutes les rencontres, à toutes les amours. Si je me bats à ma façon pour la culture berbère c’est qu’elle a pour moi les visages de tous ces gens que j’aime : mon combat, dans le cercle restreint de mes possibilités. Je n’ai jamais voulu changer le monde ; mais j’ai aidé quelques vies dans la mesure de mes capacités. Et je les aide encore. Cela suffit pour que, chaque matin, je puisse répéter, avec la chanteuse chilienne Violeta Parra : « Gracias a la Vida », merci à la Vie, merci à mon père et à ma mère. 

 

            Tellement besoin de PRESENCE ! Ce matin, sur mon balcon, j’ai parlé à un papillon jaune. Parfois aussi je me parle à moi-même.

 

            Ce n’est point que je manque de communications (Internet, téléphone…) Mais cela reste abstrait, lointain, mécanique. Je connais par cœur l’absence : partagé entre trois pays, la France, l’Italie puis le Maroc, toute ma vie j’ai parlé à des photos. Aujourd’hui encore, ce n’est que cela, juste la séparation. A part ça, autour de moi, ces collines, ces prés, ces chemins sont assez vastes pour y promener mon besoin d’espace, de découvertes, de brefs, trop brefs émerveillements. Mais quand bien même j’aurais le monde à ma portée, j’y étoufferais sans la caresse d’un regard, le poids d’une main amie sur mon épaule, la course d’un enfant venant à ma rencontre.

 

            Plein soleil. Les mouches alignées sur la rambarde du balcon. Je sors et je leur dis :

 

            « Alors, on bronze ?! »

 

Spontanément. Et ça me fait rire : humour de confinement.

 

            En fait, ce qui change vraiment, avec ce confinement, c’est mon rapport à l’écriture. Pour celle-ci j’en suis venu à porter davantage d’attention à ce journal, plutôt qu’à mon ébauche de roman. Parce que c’est une sorte de mode, sans doute, relayée par les médias, ou du moins au début, comme un défi. Mais j’ai vite pris goût à ces épanchements sans queue ni tête, cette autre façon de raconter ma vie, au fil des jours, suivant mes coups d’inspiration : un vrai bazar. Tapis, carpettes, descentes de lit : chaque paragraphe a sa propre trame, ses couleurs, au gré du moment et de ma fantaisie. Et cela au fil de la plume, sans retouches, dans une improvisation toujours risquée : le risque d’écrire pour ne rien dire ou de chuter dans le vide au beau milieu d’une idée, d’une phrase un peu trop longue, un peu trop appliquée, d’un paragraphe mal venu.

 

            Au téléphone, ce ne sont pas simplement des mots, ce sont des vies, un besoin d’épanchement de quotidiens parfois lointains mais d’inquiétudes voisines (La santé des proches, l’avenir de la pandémie, du confinement…) Au fil des appels on traverse le même torrent mais dans des paysages différents auxquels il faut s’adapter.

 

            Mes plantes vertes se tournent vers la lumière. Peut-être suis-je la réincarnation d’une plante verte.

 

            Dans les livres (les meilleurs) je n’ai jamais trouvé de révélation, mais bien une confirmation, un accompagnement. C’est la vie (l’expérience) qui m’a révélé à moi-même. Je lis pour me sentir moins seul.

 

            Belle lessive étendue au soleil. Tous ces chiffons vont effrayer mésanges et moineaux qui vont bouder ma mangeoire. Ils vont me manquer : on a pris l’habitude de déjeuner ensemble, de part et d’autre de la vitre de ma cuisine.

 

            Jour de Pâques. Depuis que je partage la vie de Hammou et de sa famille, j’ai, jusqu’ici, passé cette fête chrétienne au Maroc. Pendant plusieurs années, pour cette occasion, je me suis plu à cacher des oeufs en chocolat à travers la vaste synagogue qui nous sert de foyer : réjouissante quête au galop des enfants, les plus malins ou chanceux en accumulant la plus grosse part, avant que Tata, après avoir regroupé le butin à ses pieds, en fasse un partage équitable; et cela sans la moindre protestation.

 

            Et puis voilà que, il y a deux ans de cela, Hammou, alors âgé de quatorze ans, s’étonna :

 

            « Mais votre fête chrétienne, ce n’est pas que des œufs en chocolat, non ? »

 

J’expliquai la messe, la résurrection de Sidi Aïssa (Jésus en Islam), avant d’ajouter, dans un souci de me rapprocher de sa religion :

 

            « Et puis on tue un agneau pour le manger tous ensemble, comme vous le mouton de l’Aïd el Kébir.

 

-- C’est pas bien gros, un agneau…

 

-- C’est que nos familles sont petites. »

 

Cela se passait quelques jours avant Pâques.

 

            Le dimanche suivant, Hammou me demanda de l’accompagner dans une oasis voisine, avec Tata et les cousins. Nous voici donc entassés dans la voiture pour une douzaine de kilomètres avant d’arriver chez Fadma, une sœur de Harou. Là, tandis que je buvais le thé, on s’empressa de sacrifier en cachette un mouton bien gras. Brochettes, tagine, méchoui : la surprise fut de taille, dans un joyeux partage pour rappeler au Chrétien que je suis à leurs yeux, alors éloigné de ses coreligionnaires, que dieu est partout sous des masques parfois différents mais avec un même cœur dès lors qu’il parle d’amour.

 

            En ce jour de Pâques confinées je suis seul, chez moi. Je pense aussi à Pessah, ces Pâques du Judaïsme, partagées à Fès, l’année dernière, dans une maison du Mellah, ce quartier autrefois réservé aux Juifs. A mon côté, Moha Ennaji, un ami musulman. Et là, encore une fois, me revinrent ces paroles de l’Evangile que ma mère se plaisait à me répéter :

 

            « Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté."   (A suivre)

 

Jean-Marie Simon

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CONFINEMENT : UNE VIE DE FAMILLE ET DE TRAVAIL EPUISANTE...

Entre l’informatique, la cuisine, le ménage, le sommeil, la sieste, le rangement, le télétravail, la participation à des vidéoconférences où il faut une demi-heure pour se connecter et où ensuite, on entend un mot sur trois, facebook, WhatsApp, les enfants transformés en élèves qu’il faut faire travailler chez soi, les coups de poings à donner à sa femme quand on a une petite contrariété, les coups de
téléphone à passer aux copains, aux parents dans les EHPAD, les apéritifs à distance, les discours du président et le point médical quotidien de Monsieur Salomon, le directeur général de la santé, pour avoir la chance d’être les premiers à connaître en direct le nombre de nouveaux morts depuis 24 heures, il ne reste pas un instant.

Vivement la fin du confinement que nous puissions enfin retrouver du temps libre ! Surtout qu’après, comme nous serons bien gros, donc au régime, et que tout sera propre et rangé, nous n’aurons plus rien à faire à la maison. Je suis impatient de faire des aller et venue dans Paris pour montrer à tout le monde lesvingt kilos que le confinement m’a généreusement octroyés, tout en admirant les pauvres femmes amochées que je croiserai.
Oui, j’imagine l’après-confinement : dans les rues, des hordes de grassouillets, essoufflées après avoir marché pendant 100 mètres (les muscles oublient quand on ne les utilise plus), feront du porte-à-porte dans des magasins ouverts pour dépenser leur argent dormant depuis le début du confinement. Des femmes aux paupières bleus, sans qu’aucun maquillage n’en soit responsable, claudiqueront sur les trottoirs des villes. Des queues de chevelus se formeront devant les coiffeurs qui, ayant eu le droit de rouvrir, travailleront 25 heures par jour pour redonner à l’univers sa beauté d’avant. Tout le monde, en manque de contact après une aussi longue période sans se toucher, ira se faire épiler, manucurer, pédicurer, coudecurer (il y aura du boulot !) tatouer, masser, spatériser, fesser, bichonner, bichouner, bidochouner, soigner, câliner, tripoter. Quel bonheur ! C’est décidé : le confinement, je le continuerai après. Les scènes qui nous attendent sont d’avance insupportables. Enfin, tout de même : mon corps n’est pas que de la viande !

Benoît Pastisson, Paris

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Petite pluie ce matin. Enfin ! La sécheresse rendait la terre d’ici dure comme du béton sec. Rien à voir avec la terre de volcan ardéchoise, si fine, si noire. Ici, les glaciers et les torrents ont déposé leurs moraines et il faut faire avec.

 

Au jardin, mes quatre plessis m’attendent. Je les avais fait installer il y a déjà de nombreuses années, à 70 cm de hauteur, en prévision de mes rhumatismes !

 

Quatre carrés de 160 sur 160, entourés de branches de châtaigniers soigneusement tressées.

 

Quatre carrés de bonheur dans lesquels je fais pousser des tomates, des haricots verts, des petits pois, des courgettes, des aubergines, de la salade et plein d’autres choses. Quatre carrés nourris de compost maison et qui ne reçoivent aucun pesticide. Il faut bien se faire plaisir !

 

Le rosier Parure d’or a fleuri tôt cette année et il grimpe gaillardement dans le malus. Les autres commencent timidement à montrer leurs boutons mais, sur la gloriette Pierre de Ronsard a ouvert quelques corolles. J’aime ce rosier dont les roses sont si parfaites et qui va fleurir jusqu’à l’automne. Les rosiers anciens qui viennent de la roseraie de Berty ne fleurissent parfois qu’une seule fois mais dans une ravissante profusion. D’autres nous accompagnent tout l’été avec des couleurs et des parfums délicieux. Retenir leurs noms est un bon exercice mais devient compliqué après le cent soixantième ! Les spirées van houtte qui avaient fleuri tôt nous font un signe de départ et le weigélia étale ses timides bouquets roses près du viburnum plicatum dont les fleurs plates ressemblent à des hydrangéas. Le jardin m’enchante et le temps passé ne compte pas. Les clématites se préparent aussi, celles accompagnant une rose ont déjà saisi de leurs tiges molles les branches épineuses. Deux iris d’un jaune insolent se penchent vers les boutons rouges d’une pivoine et un gros pavot orange est sorti de son énorme coquille. Les roses trémières aussi, très indépendantes ont colonisé la cour et on les laisse faire. Comme d’ailleurs les ancolies qui passent du bleu au violine et se coulent sous les rosiers. Un vrai bonheur ! Et ce n’est que le début. Le confinement ? Quel confinement ?

Madeleine Covas

 

On redécouvre ce qu’est une pandémie.

Pourtant, les traces de celles qu’a connues la France sont nombreuses.
Si vous passez un jour à Noizé, qui fait aujourd’hui partie de la commune d’Oiron, dans le département des Deux-Sèvres, vous serez étonnés : l'église et le cimetière attenant sont isolés en pleins champs, à environ 500 mètres au sud-est du village. Cette séparation serait due à la terrible et meurtrière épidémie de peste noire, entre 1348 et 1342. Toutes les maisons du bourg auraient été incendiées par mesure de salubrité.
En Ardèche, à Montpezat-sous-Bauzon notamment, il existe plusieurs crucifix représentant des bubons. Ces croix devaient conjurer un mal qui apparaissait et disparaissait d'une manière quasi surnaturelle, comme une punition divine. Elles étaient dressées pour demander la fin de l’épidémie.
Dans l’Eure, de nombreuses compagnies de Charitons existent encore : pendant les grandes épidémies, un problème se posait : il manquait de croque-morts pour les inhumations. Des sociétés se créèrent : elles ont un habit particulier pour qu’on les reconnaisse. Au début de chaque cortège, un agitateur de clochettes ou de tintenelles prévient la population. Il s’appelle le tintenellier, le clocheteux ou le campanellier. Son but était initialement d’indiquer à la population qu’il fallait qu’elle s’éloigne pour éviter d’attraper la maladie. Je me suis souvent demandé si les célèbres Gilles de Binche, en Belgique, n’avait pas une origine similaire.
Aujourd’hui, une question se pose : quelle trace laissera le Coronavirus dans l’avenir ? Il est probable que les tonnes de papiers hygiéniques non utilisées seront transformées en sculptures ou en lieux de mémoire, mais malheureusement, ce matériau symbolique est fortement périssable. Quelle tristesse ! la société de consommation rend tout obsolète...

Benoît Pastisson

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Histoire de gris

 

 

Le gris peureux

 

S’effaçait devant le gris pompeux

 

Lui qui escortait le gris funèbre

 

Jusqu’au gris des ténèbres

 

 

 

Le gris très pâle

 

Sans doute un gris mâle

 

Jalousait le gris enjoué

 

Que courtisait le gris rosé

 

 

 

Le gris précaire

 

Fuyait le gris vulgaire

 

Il écoutait le gris joyeux

 

Chanter avec le gris soyeux

 

 

 

Le gris coquin

 

Chatouillait le gris câlin

 

Pour arriver à ses fins

 

 

 

Le gris vert et le gris bleu

 

Firent des envieux

 

À coup de cris, accords de gris

 

Ils rêvaient de colorer les cieux

 

 

Françoise Prat
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Petite réflexion sur le temps qui passe

 

Nous voici face à nous-mêmes. La solitude du confinement nous impose une vie nouvelle, comme suspendue dans le temps, moment idéal pour l’introspection.

 

Je passe par des hauts et des bas, des moments de joie et des moments de doute. Jamais je n’aurai autant consacré de temps à mon jardin, arraché le lierre envahissant, planté mon 28ème rosier… avec une énergie décuplée, comme s’il fallait manifester son élan de vie, que le jardin soit beau, même et surtout dans l’adversité, semer des graines qui poussent comme si de rien n’était, admirer le ciel ironiquement bleu. La nature se réjouit, les animaux reprennent possession du territoire qu’on leur a grignoté…

 

Une fois passées les joies du jardinage, l’attente enthousiaste de la germination des graines semées, vient inévitablement le temps des questionnements, l’angoisse du futur, le retour sur soi. Par curiosité, je cherche mes ancêtres dans les actes numérisés des archives départementales en ligne. Je trouve l’acte de naissance de ma grand-mère et de fil en aiguille, je remonte jusqu’à la fin du 18ème siècle. Des générations semblables de gens nés dans le même village, s’y mariant de père en fils sans aller chercher au-dehors de ces limites, ils suivaient la ligne tracée par ceux qui les avaient précédés. Leur vie était un enfermement tacite et accepté dont on ne sortait pas, sauf peut-être quand venait une guerre. Tout coulait de source, tout était immuable… Ils ne savaient pas écrire, à quoi bon…

 

Une amie vient de m’envoyer des photos de nos vacances de 1977, il y a 43 ans, nous avions 17 ans, premières vacances sans parents, avec nos copains, le cheveu rebelle, les fous-rires, nos délires… Je ne sais pas si nous avons la vie dont nous rêvions. Je ne crois pas que nous rêvions à plus tard. Nous étions insouciants et le temps devant nous semblait infini… L’idée d’enfermement, à l’époque où la liberté était le leitmotiv de toute une génération, nous aurait fait frémir.

 

Le confinement me confronte irrémédiablement au temps qui passe. Je perçois de façon aiguë et comme en accéléré, le défilé de ces générations, qu’en restera-t-il ?

 

Une impression de vie qui s’écoule malgré moi, sans moi en quelque sorte, comme si j’étais enfermée dans mon château de belle au bois dormant, assignée à résidence, et que la vie s’écoule au-dehors tandis que tout reste figé à l’intérieur. Que trouverai-je dehors quand les ronces s’ouvriront pour laisser passer à nouveau la vie ? Le temps de l’enfermement s’étire. Sensation cruelle de ce temps qu’on nous vole, et à 60 ans, il faut profiter de chaque seconde, de chaque miette de vie… Les jours passés sans échanger une parole avec âme qui vive… saurai-je encore parler ? Je sais bien qu’il nous faut espérer. Je m’y emploie, envers et contre tout, espoir que tout renaisse, espoir de bienveillance... On nous disait de croire au progrès sauveur de l’humanité, à la science (occidentale !) qui ne peut se tromper et nous apportera une réponse à tout mais qui a déconnecté l’homme de la terre et du ciel, et voici qu’un petit virus minuscule vient ébranler nos certitudes. J’apprécierais l’ironie de l’évènement et je pourrais même en rire si certains qui n’étaient pas forcément les plus mauvais n’en payaient aujourd’hui le prix.

 

Alors, il faut bien en venir à la question essentielle. A-t-on envie de se retrouver, avec amour, bienveillance, empathie ? Le temps file et les virus qui nous tombent dessus, celui-ci ou un autre nous rappellent qu’il est urgent de vivre et de ne pas renvoyer à demain ceux ou celles que nous pourrions aimer aujourd’hui…

 

Muriel Raoux, 30 avril

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"En général, les femmes parlent plus que les hommes" ?!

L'autre jour je discutais avec ma chérie, oui le confinement favorise la discussion, peut aussi favoriser les engueulades, mais pas chez nous....... Donc nous discutions et je disais sans penser à mal : "en général les femmes parlent plus que les hommes". Bon, discussion banale qui ne va pas changer la face du monde mais qui peut occuper un bon moment. Et à l'appui de mon affirmation je disais sans être précis que des études depuis longtemps l'avait démontré.

 

Je suis il est vrai quelqu'un qui n'est pas très bavard, ce qui parfois peut m'être reproché, je prèfère une bonne saillie (ne voyez pas le mal partout !...) ou un bon mot si vous préférez qu'argumenter, d'autant plus que je n'ai pas des opinions tres tranchées, et notamment ce que je venais de déclarer, je l'affirmais mollement.

J'ai voulu par la suite pour étayer mes propos regarder sur internet si cela se confirmait. Si on exclut toutes les affirmations plus ou moins fantaisistes, les sites qui se disent informés mais ne sont là que pour accumuler des "clics", je n'ai trouvé que des sites qui déclaraient que les femmes "pipelettes" ce n'est qu'un stéréotype de plus et que rien n'a été prouvé.

 

Donc mea-culpa maxima-culpa (j'ai été enfant de coeur au temps ou le latin donnait un côté mystérieux à la messe ne comprenant rien à ce que je récitais et chantais)

 

Mais je tiens tout de même à dire, plutôt à écrire, que je constate que sur ce blog la gente féminine s'exprime beaucoup et je dis bravo, et que les quelques hommes qui apportent leur contribution ne le font qu'a travers des photos......ça veut pas dire quelque chose ça ??? et paf...

Jean-Luc Dournon, 29 avril

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Délire de lierre

 

 

 

Longue liane de lierre

 

Vivante et dure matière

 

Qui grimpe et enlace

 

Au début, certes avec grâce

 

Puis s’agrippe avec force

 

Sur l’épaisse écorce.

 

On a du mal à la détacher

 

De l’érable de Montpellier

 

Qu’elle enserre à l’étouffer

 

 

 

Elle fait volontiers équipe

 

Avec sa soeur salsepareille

 

Qui sans souci vous pique

 

Et griffe jusqu’aux oreilles

 

 

Les chênes tout en hauteur

 

Ne sont guère plus épargnés

 

Le lierre délire avec vigueur

 

Et joue son rôle d’étrangleur

 

Nous voulons les délivrer 

 

C’est un projet colossal

 

Qui pourrait nous épuiser

 

Mais pour la forêt, c’est vital

 

 

 

 Françoise Prat

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La lucarne

 

Dans un placard profond on l'a emprisonnée

 

Pour échapper enfin aux airs conditionnés

 

Plus de lumière bleue plus de cris plus de sons

 

que cette lucarne indigne répand dans nos maisons

 

Respirer enfin sans avoir à subir

 

Choisir son moment pour savoir

 

Ne plus être agressé par toutes ces histoires

 

Ne pas être obligés de sortir nos mouchoirs

 

Ignorer les vedettes et les potins du temps

 

Échapper aux effets des hommes politiques

 

S'éloigner à la fin des rumeurs médiatiques

 

Et s'inquiéter pourtant quand c'est le bon moment

 

Apprendre le silence écouter ses amis

 

et réfléchir enfin sans la fureur des bruits

 

Ouvrir les fenêtres, lire une poésie

 

respirer le parfum de nos livres choisis

 

et parfois entrouvrir le placard maudit

 

pour compatir un peu aux malheurs de ce monde

 

puis retrouver enfin nos humeurs vagabondes

Madeleine Covas, 29 avril

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J’enrage devant mon ordinateur. Disparu le texte écrit hier. Mauvaise manœuvre ? C’est une première. Même si je suis très loin de maitriser l’outil, je sais enregistrer… D’habitude. Mais rien ne se passe comme Avant. Aurais-je déjà perdu certains réflexes ?  Rien de grave. Sans cesse relativiser. Une autre façon de vivre. Pour nous, c’est une chance d’être deux.Je pense souvent aux personnes qui n’ont pas choisi d’êtres seules. Puis cet immense privilège d’avoir de l’espace, un petit potager et un grand jardin de rochers dans un bois. Je pense surtout aux enfants privés de sorties.

 

Corps à corps avec la nature

 

Les coucous, ceux de l’aérodrome, ont suspendu leur vol.Je redoutais cet arrêt brutal, à tort d’ailleurs car mon pilote a quitté le terrain d’aviation pour s’investir à plein temps dans le nôtre. Un vrai bonheur ! Les ailes coupées, certes, mais avec quel élan il retrouve le goût de la terre, sans doute celui de nos ancêtres paysans !

 

Ah, zut, la tronçonneuse refuse de démarrer. Avant, elle aurait eu droit aux mains expertes du réparateur, mais en ce moment, c'est fermé ! Système D.  Tous les jours elle est auscultée, nettoyée, bichonnée. Elle boude.  

 

 Pendant ce temps les sécateurs coupent et recoupent. Le broyeur engloutit tout ce qu’il peut, « le vert » rigide surtout, ce qui est flexible est indigeste pour lui.

 

Un matin, alors que je suis occupée au "minimum ménager", j’entends un moteur. C’est notre machine ! Toute aussi fière que le mécano. Elle sait qu’elle est indispensable pour redonner au Bois ses lettres de noblesse. Elle prend le relais. On sélectionne. On coupe. Branches mortes, débitées, transportées. Partout des tas de bois qui enflent.

 

Trop longtemps livrée à elle-même, la nature frénétique s’en est donnée à cœur joie. Elle a tissé dans le dos de la maison une cape infranchissable en cas d’incendie. Aussi, munis de gants, nous nous attaquons aux buissons de ronce, salsepareille et lierre qui ont l’audace parfois de rejoindre la cime des arbres. Paradoxalement, depuis le confinement nous avons vécu essentiellement dehors avec un temps magnifique. Pas le droit de nous plaindre. Nous avons toujours aimé la campagne. En ce moment nous l’apprécions plus que jamais.

 

Et derrière cette image idyllique, je vois par transparence des saisons plus sombres. Serait-ce pour endiguer la vague de tristesse due à cette catastrophe mondiale que nous nous jetons à corps perdu dans les bras de Mère Nature ? Sans doute, nous apporte-t-elle du réconfort. Elle nous récompense de nos efforts physiques en étant plus belle encore, plus lumineuse, plus odorante en ce printemps 2020. Vivons l’instant présent !

Françoise Prat,28 avril

 

27 avril 2020

 

 Encore un peu endormie

 

Le 27 avril, c’est aujourd’hui !

 

Vous êtes invités chez nous. Nous serons une vingtaine à cette Rencontre.

 

Je vous imagine fin prêts (ou pas) pour ce rendez-vous. Certains révisent leurs textes, d’autres accordent leur guitare et échauffent leur voix. D’autres répètent les morceaux choisis, flûte, cornet à bouquin avec ou sans partition, révisent leurs pas de danse, récitent à voix haute, lisent ce poème ou celui-là, hésitent encore, (ça, c’est pour moi).

 

Et les cuisiniers, pâtissiers sont aux fourneaux, quelle chance !

 

Bref, nous serons tous heureux de participer. Je n’oublie pas ceux qui viennent « juste écouter », comme ils disent ; mais c’est très important ! Et applaudir !

 

 

Complètement réveillée

 

Oui, mais voilà, ce 27 avril-là n’aura pas lieu.

 

C’était Avant.

 

Au temps où l’on pouvait se réunir…

 

Plus tard, quand le monde sera guéri, nous nous retrouverons.                                

 

Et nous apprécierons encore davantage ces moments de partage et d’amitié.

 

Françoise

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Ce matin, j’ai entendu le « coucou ». Malheureusement je n'avais aucun sou, argent, pièce, lingot, louis d'or etc, action, obligation, etc  sur moi et donc je ne serai pas riche cette année . Pas riche , cela dépend du point de vue duquel on se place.

 

Je n'ai pas eu le coranavirus, ma famille, mes amis n'ont plus. Je vais bien et j'ai de la chance d'habiter une maison et d'être en montagne. Donc, je me dois de rester positive.

 

J'avais commencé à vous parler de gastronomie locale , je vais donc vous parler des pissenlits. Pourquoi le pissenlit parce que en ce moment il commence à pousser et comme nous n'avons pas de salade dans le jardin et qu'il faut restreindre nos déplacements le mieux c'est de s'aider avec dame nature.

 

Le pissenlit, ou dent-de-lion, taraxacum officinale de son nom savant, pousse dans nos prairies, surtout au printemps et donne des fleurs jaunes .

 

Les feuilles (très riches en  vitamine Cet β-carotène), les fleurs et les racines des pissenlits dits « communs » ou « officinaux » sont consommables.

 

Nous, nous le mangeons en salade. C'est une salade un peu amère. Certaines personnes font de la gelée avec les fleurs, pas moi je préfère la gelée de framboises !!!!

 

Ma recette montagnarde de salade de pissenlits :

 

Il faut des pissenlits tout jeunes de préférence bien blancs, bien les laver à plusieurs eaux.

 

Prévoir quelques croûtons de pain, des oeufs cuits un peu mollets, des lardons , des noix . Quand à la vinaigrette, ne pas oublier l'ail

( si vous aimez ) . En gros, il faut vraiment agrémenter la salade autrement comme dit un membre de ma famille c'est une salade à lapin !

 

Dans les salades d'herbes sauvages, je dois dire que ce n'est pas ma salade préférée , ma préférence va au cresson. J'utilise la même recette si ce n'est qu'il faut faire attention à l'endroit où on ramasse le cresson pour éviter de s'intoxiquer (éviter les lieux où les bêtes , vaches, moutons , chèvres pâturent ).

 

Après ces conseils culinaires, je n'ai plus qu'à vous souhaiter bon appétit .

Rose de la Montagne, 26 avril

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Promenade d’un rêveur confiné

 

 

Ce matin vers 7 h après avoir avalé mon bol de café, je suis parti me promener,

 

car derrière chez moi il y a un petit bois comme dit l'inénarrable chanson,

 

et j'ai rencontré non pas un grand chemin de fer comme dans le poème de prévert

 

mais deux lapins qui ne m'ont rien demandé contrairement aux poulets qui sortent également par deux,

 

et qui m'avaient réclamé l'attestation signée par moi même qui m'autorise à sortir...

 

ce qui se rapproche plus de Kafka que de Descartes ;

 

enfin toujours est-il que tout en cheminant entre les pins et les chênes

 

j'ai fait coucou au coucou qui me l'a rendu au centuple et dit ta g.... à la tourterelle turque

 

qui me casse les noisettes toute la journée...  En rentrant de cette promenade matudinale

 

j'ai croisé ma voisine gentille au demeurant mais qui parle, parle, parle, parle....

 

alors que moi , j'aurai bien repris un bon bol de silence....

 

Jean-Luc Dournon, 24 avril

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Promenades contemplatives et hommage à Jean -Jacques Rousseau

 

J'aimerais visiter les Charmettes villa 18ème où vécut Jean - Jacques Rousseau.... où il aima Mme de Warens, près de Chambéry....pour découvrir ses cahiers de botanique, le lieu, le jardin, les murs de la villa, les tapisseries 18ème très fleuries et bucoliques....

Adolescente, j'ai lu énormément Jean -Jacques Rousseau : Du contrat social (1762), Les Rêveries du Promeneur solitaire (écrites en 1776-1778 et publiées en 1782), Les Confessions, rédigées entre 1765 et 1770 , avec publication posthume en 1782 et 1789) et  Le Discours sur l'Inégalité, Le Discours inspiré pour l'Académie des Sciences....Je n'ai lu que des extraits de son roman épistolaire Julie ou La nouvelle Héloïse (1761)et de son traité sur l'éducation : l'Emile.....mais je trouvais son écriture foncièrement moderne pour le 18ème siècle même si en le relisant on perçoit différemment certaines déclarations grandiloquentes....Il n'empêche qu'il a réfléchi comme tous les grands penseurs, à toutes les facettes de la vie sociale : l'éducation des enfants, même s'il n'a pas été un père exemplaire (on le lui reproche souvent ), les inégalités sociales, la nature et la culture, la connaissance de soi, les sciences, les grands thèmes philosophiques et le processus de création à travers l'écriture, le pacte de sincérité avec le lecteur.... Il est souvent moqué par Voltaire et tant d'autres mais qu'importe, il a construit une oeuvre..

Et cet amour immense de la nature, c'est sans doute ce dans quoi je me reconnaissais le mieux alors que je me promenais dans le parc de la Villa Dolfus et de la Villa Anna de Noailles, face au merveilleux lac Léman qui se trouvait à deux pas de chez nous....Je marchais moi - même en songeant à mes lectures, en admirant les arbres, l'eau versatile et les merveilleux spectacles qu'offrait le Lac Léman.... Parfois les eaux en étaient tempétueuses, moutonnantes, écumantes et le ciel gris charbon, parfois , des crêtes blanches ourlaient les vagues bleues, souvent on entendait le claquement des ailes de cygnes qui s'envolaient en petits groupes....Parfois on voyait les petites régates blanches parsemées comme des mouchoirs sur l'azur, un jour j'avais vu un grand navire à coque noir et à voile rouge glisser sur les eaux...J'adorais rêver, contempler en écoutant le clapotis de l'eau se cogner contre la digue, le cliquetis des mats de voiliers amarrés au port, j'adorais arpenter le quai du Lac en échangeant avec mon ami Frédéric Clerc, dont les yeux de chat pétillants me dardaient...Nous nous promenions bras dessous bras dessus en échangeant des propos sur nos dernières lectures....Il avait les allures félines des danseurs de Béjart et nous étions amoureux, jeunes et enthousiastes....J'aimais aussi me promener seule et rêver....Contempler l'eau, contempler le ciel....Scruter les rives suisses en face d'Evian...Lausanne où se trouvaient le Musée d'Art Brut de Jean Dubuffet, Le Musée des Beaux Arts, la Cinémathèque de Freddy Buach, le Musée de l'Elysée de Lausanne de photographie...

Mes parents lorsqu'ils invitaient leurs amis concoctaient généreusement un superbe poisson du lac comme l'omble chevalier dans leur plat en cuivre pour donner à partager le meilleur à leurs amis et puis nous prenions un bateau navette pour aller appréhender et découvrir les splendeurs de Lausanne en matière d'exposition picturale ...C'était toujours un enchantement...il y avait la Biennale d'Art textile aussi....

Bref et plus tard, lorsque je revenais par le train de Vienne, d'Autriche, lorsque je revoyais ces rives enchanteresses je ne pouvais m'empêcher d'être terriblement émue par tant de beauté lumineuse...en ouvrant les yeux au petit matin, je voyais s'étager les vignobles bien verts sur les flans des rives et en face les montagnes d'un bleu gris et les surfaces argentées de l'eau claire et propre et profonde où se reflétait un ciel plein de promesses.

Pourvu que le ciel reste clair à l'heure qu'il est ! Pourvu que les hommes et les femmes de notre pays se tournent vers la lumière et vers la tolérance...N'oublient pas les grands philosophes français dont nous sommes les héritiers, Montaigne et l'humanisme du 16ème, les philosophes des Lumières qui préconisaient la tolérance, la justice sociale et tant d'autres belles idées porteuses, l'ouverture sur le monde, la notion de relativité....Pourvu que nous ne tournions pas le dos à toutes ces pensées du progrès.

 

 Myriam Monfront, 25 avril

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 Silence

 

 Silence étrange

 Qui remplit l’espace

 Qui enfouit le bruit

 Des anges

 Passent…

 

 Tout s’est tu, évanoui

 La vie en société

 S’est arrêtée

 

 On s'inquiète, on s'écrit

 On se téléphone

 On rit, on réfléchit

 On raisonne

 

L’amour fort se glisse

Par le fil ou sur la Toile

Jusque dans les interstices

Et nous connecte aux étoiles

 

Le lien n’est pas coupé

Il nous maintient serrés

Cœur contre cœur

Pour garder la chaleur

 

Françoise Prat 18 mars 2020

 

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Chronique d’une journée confinée en Haute-Savoie

Réveil un peu trop tôt : ne pas écouter la radio.
Sortir le chien qui ne se contente pas du jardin, penser à l’attestation numérique sur le portable.
Marcher en montant la colline, le Mont Blanc au loin espère le soleil et sur la gauche, le lac Léman scintille déjà avec son jet d’eau étalé. Ne pas trop s’éloigner : le bracelet numérique indique la distance réglementaire.
Retour : sortir la débroussailleuse pour décourager les pissenlits qui folâtrent déjà.
Le travail au jardin permet de réfléchir : que préparer à manger ? Quel texte envoyer pour participer à la petite lettre des auteurs savoyards ? Penser à téléphoner à mes amis confinés…Répondre à Montpezat.
Un pigeon ramier passe, il niche dans le houx et cela me réjouit. Le rosier ancien Roseraie de l’Haÿ qui borde la terrasse a fleuri le premier, comme d’habitude, il parfume l’endroit (tiens j’ai de l’odorat, c’est bon, pas de coronavirus !)
Le malus a changé de couleur, il prépare ses petites pommes et le cerisier a ses premières feuilles. Sur le talus, l’aubriétia perd ses couleurs mais les hélianthèmes ont rougi. Quel beau printemps !
Mon mari a sorti le plumeau et la serpillière : il remplace la femme de ménage confinée, il n’est pas suisse pour rien, tout doit être “propre en ordre“.
Poser la débroussailleuse, aller à la cuisine, faire à manger – ce n’est pas un souci, j’aime cuisiner – repas à 12h 30. Journée sans viande : Bolognaise aux lentilles vertes.
Ne pas regarder la télévision plus de quinze minutes : toutes ces chaînes qui répètent et amplifient les événements participent à la morosité ambiante.
Petite sieste avec “ Les steppes de l’Asie centrale“ de Borodine ou le violoncelle de Rostropovitch. Je ne m’en lasse pas : souvenir du musicien jouant sous le mur ouvert de Berlin.
Penser à préparer deux bouteilles de vin pour les éboueurs qui passent régulièrement.

Réfléchir, réfléchir : pour l’écriture et le plaisir. Un roman demande beaucoup de temps de réflexion car si l’on part d’un fait, d’un paysage ou d’un personnage que l’on a rencontré, il faut créer d’autres lieux, d’autres faits, et surtout donner à ses personnages des caractères, des sentiments, de l’empathie. Cela me plaît.
Petit moment de bonheur : lire, lire toujours, relire Victor Hugo, Balzac et Robert Merle, Xénophon et Thucydide, Michel Pastoureau. Avec ses couleurs. Ne pas reprendre “La grande tueuse “ sur la grippe espagnole dévastatrice. Se réciter les vers joyeux de Victor Hugo : « Tout est lumière, tout est joie… »
Verlaine, Apollinaire, Rimbaud, Corneille.
J’ai la chance d’avoir gardé en mémoire les poèmes donnés à apprendre à mes élèves. Ils sont gravés et je les aime. J’ai conscience de faire partie des dinosaures.


Reprendre un chapitre de mon prochain livre qui ne sortira peut-être jamais car les éditeurs ne vont pas bien. Tant pis, écrire pour le plaisir. Mes personnages vivent et je vis avec eux. Poser sur un brouillon les mots venus pour une poésie : à travailler.

Ranger mon bureau. Bon, je l’ai déjà rangé hier et cela ne se voit pas. Mon mari ne dit rien, il a l’habitude.
Faire une liste de courses pour demain. Jeter des papiers : comment peut-on entasser tant de choses inutiles ? Ai-je besoin de garder mes diplômes ? Ridicule !
Les pinceaux d’aquarelle attendent mon bon vouloir : je n’ai pas eu le temps. Ni d’ailleurs celui d’ouvrir le piano…
Le loir installé sous la terrasse a mangé les pelures de légumes. Il sera la vedette d’un conte pour enfants.
Le soir est venu : impossible de laisser perdre trois pommes qui font la grimace : je vais faire un cake aux pommes, la recette toute simple qui me servait à apprendre la conjugaison aux élèves de sixième et qu’ils font encore, pour leurs enfants, vingt ans après. Rien que du bonheur tous ces souvenirs !
Soirée calme, pas de télévision mais encore un peu d’écriture.
Demain j’essaierai de reprendre la débroussailleuse. J’ai déjà fabriqué des masques pour le futur déconfinement du 11mai. De vieux rideaux ont fait l’affaire et ma machine à coudre qui s’était installée dans une retraite tranquille a dû être bien étonnée !
Le confinement ne change rien à ma vie sauf que je ne peux aller en Ardèche mais mon frère veille et me donne des nouvelles. Les lauriers- roses ont attrapé l’oïdium mais les rosiers vont bien. 
Sur le noisetier pourpre, une merlette se balance, un moineau passe près de ma fenêtre : il a le bec chargé de brindilles, la vie continue…

Madeleine Covas, le 23 avril

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Si tu réduis les sorties, pense à prendre ta plume... m'avait dit des amis !

 

Si tu réduis tes sorties

 Pense à prendre ta plume

 Grave un peu de fantaisie

 Dans cet océan d’écume

 

Voyage dans ta tête

 Imagine ce pays inconnu

 Où les oiseaux chantent à tue-tête

 Où tu seras toujours le bienvenu

 

 Si ton horizon est nébuleux

 Pousse la brume et éclaircie-le

 Par la pensée, fais en sorte

 Que la joie frappe à ta porte

 

 Si tu es complètement confiné

 Pas d’autre choix que d’accepter,

 Les retrouvailles avec toi-même

 Et de t’ouvrir à ceux qui t’aiment

 

Françoise Prat  23 avril2020

 

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J'ai beaucoup de chance : j'ai des hectares de verdure autour de ma maison pour aller respirer sans limites le printemps qui pousse et pas vraiment autre chose à faire...

 

Pas de gâteaux pour moi, d'ailleurs la farine et les oeufs deviennent ridiculement rares ( le virus s'attaquerait-il aux poules et aux meuniers ? ), mais des betteraves avec plein d'ail cru, de la tarte à l'oignon et du munster avec du cumin, la distanciation sociale n'a pas que des inconvénients !

 

 Comme je vais déménager à la fin du confinement, au cas où je survive, je trie mes livres et j'en relis, il y en a que je traine depuis 40 ans, Mabrouk, Les Fleurs du Mal, Paroles, L'Astragale et d'autres que je suis tellement contente d'avoir gardés.

 

J'ai bien envie d'apprendre le russe, j'aurais le temps, et j'adore cette langue, on dirait un orage qui éclate. Enfin, surtout quand c'est des mecs qui parlent . Et surtout quand il disent des gros mots. Mauvaise idée.

 

J'ai appris à mon chien à me rapporter sa balle, sa vache, son Titi, son Pouic en les nommant. ça marche, elle fait la difference.

Je lui ai appris à rapporter le fromage, la saucisse, la carotte. ça ne marche pas, elle bouffe tout.

Par contre, elle a adoré L' Etalon Noir, voir photo...

 

Ca suffit pour ce soir, en réalité, je suis ravagée par le désastre dont l'éspèce humaine est responsable, et ce n'est pas quelques applaudissements aux fenêtres qui vont gommer ça. Homo Sapiens ? Vive les amibes !

Edith Walz

22 avril

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LA RENOUEE BISTORTE DE NOS MONTAGNES

 

Je vais vous donner quelques-unes de mes recettes montagnardes . Bien sûr vous ne pourrez peut être pas les refaire tout de suite mais dès que vous pourrez venir nous voir, vous pourrez vous procurer les ingrédients que vous n'avez pas chez vous .

 

La renouée bistorte (Bistorta officinalis) est une plante herbacée vivace de la famille des Polygonacées. Elle se trouve souvent près des jonquilles, dans des lieux humides ( ruisseau, béalières, etc. )

 

Appellations populaires en France : Feuillotte, Serpentaire rouge, Bistorte, Andresse, Couleuvrée, Langue de bœuf, Faux épinard, Bouïne (région du Mézenc en Haute-Loire) Bandine ( communes de St Cirgues en Montagne , Issanlas ).

Hauteur de 20 à 80 cm. Tige simple. Feuilles glauques, simples et brusquement rétrécies à la base et décurrentes sur un long pétiole. Fleurs roses en épi unique terminant la tige et large de 1 à 3 cm.

La plante est comestible.

Comme pour la plupart des renouées, les jeunes pousses et feuilles sont comestibles . En vieillissant, elles deviennent amères. Il convient donc de les consommer jeunes pousses.

Différentes applications médicinales sont rapportées dans les traditions populaires.

Pour nous montagnards, la bandine, la bouïne, se mange le plus souvent en soupe.

 

Voici ma recette :

Il faut environ 700 gr de renouée bistorte bien fraîche, les trier  c'est-à-dire enlever les queues et bien laver les feuilles à l'eau tiède .

Ensuite 3 belles pomme de terre pour la soupe (qui s'écrasent à la cuisson, et pas des pommes de terre pour faire des frites !!!)

Nous mettrons aussi 3 belles carottes.

N'oubliez pas aussi, soit une bonne saucisse fraiche de chez mon boucher ou un peu de pointrine fraiche cela dépend de votre taux de cholestérol !!!

A la cocotte-minute, il faut 20 mn dès que la soupape tourne, et voilà

Attention c'est comme les asperges , il ne faut pas en abuser quand on a des problèmes reinaux.

 

A déguster pour oublier le confinement !!!!!

 

Rose de la montagne

 

 

 

Eloge du silence

J’ai aimé les silences
des mots interrompus,
virgules nécessaires
aux rêves impromptus.

J’ai aimé les silences
au milieu de la nuit
quand l’orage soudain
s’est éloigné sans bruit.

J’ai aimé les silences
de ceux qui n’étaient plus
pour revenir au temps
de nos instants perdus.

J’ai aimé les silences
des vagues sur la grève
quand le flot s’abandonne
et annonce une trêve.

J’ai aimé les silences
du timide amoureux
qui se tait et espère
vivre des jours heureux.

J’ai aimé les silences
pour vivre intensément
sur les chemins de vie
le plaisir du moment.

 

Madeleine Covas, 22 avril

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Le printemps malgré tout


Il est venu, malgré tout, doucement,

Dans les fossés les géraniums herbe à robert
Côtoient les boutons d’or, humbles renonculacées
Les sauges bleues dressées
Tirent la langue aux salsifis barbe de bouc
Qui veulent passer pour de l’arnica montana

 Au jardin les fleurs de pommiers
Passées en douceur du rose au blanc
S’envolent dans l’air léger
Fragile pluie de pétales


Portant notre espérance
Le printemps est là, malgré tout
Le bonheur reviendra

 

Madeleine Covas

21 avril

 

Tourterelle

 

Vivre encore un peu…

Vivre encore

Se mirer dans le ciel

Croulant d’or et de sang

Mystérieux

 

Vivre encore

Sentir le vent volage

Fouailler dans mes cheveux

Libérés

 

Vivre encore

Tutoyer les fossés

Aux digitales dressées

Écarlates

 

Vivre encore

Admirer les nuages

Aux écumes fragiles

Débridés

 

Vivre encore

Recevoir sur mon front

Le sel des rivages

Inconnus

 

Vivre encore

Surprendre l’oiseau

Au plumage discret

Et soyeux

 

Vivre encore un peu

Oublier le temps

Et les heures et les nuits

Et l’Éternité

 

Madeleine Covas

20 avril

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 Chronique du Confinement N°1 de Rose de la Montagne – 3 avril 2020

 

Je vous écris de la montagne ardéchoise, où, pour être mieux confinés et isolés du reste du monde, nous aurions pu fermer le tunnel du Roux. Mais l'isolement, quand l'hiver se déchaîne, tous les gens du plateau connaissent, alors on fait avec ce nouvel hiver sanitaire.

 

Je ne sais pas vous, mais moi, confinement cela me fait penser à confit de canard, confit fruits confits…  bref nous sommes enrobés dans notre chez nous. Mais soyons honnêtes le monde nous manque, le contact avec la famille, les amis, les gens, nos habitudes, notre vie associative avec pour ma part la médiathèque, le yoga, bref tout notre quotidien a été chamboulé.

 

Que faire, et bien pour ma part je m’efforce de voir le coté positif, ce qui me permet de garder l'équilibre avec bien sûr le chocolat mais, vous l'aurez compris, j'attache une grande importance à la nourriture .

 

Côté positif en ce moment nous avons un temps magnifique et la montagne qui s'éveille avec les jonquilles sauvages fait un bien fou. J'ai la chance de pouvoir avoir un bouquet dans mon salon .

 

Côté positif : avoir le temps de cuisiner et de pâtisser (faire de la pâtisserie) .

 

Côté positif : avoir des nouvelles par téléphone, par email de la famille éloignée que nous ne voyons que pour les vacances .

 

Côté positif : la voisine qui va faire des courses et qui me demande si je n'ai besoin de rien . Il faut dire qu'elle s'est aperçue que j'étais un peu angoissée à l'idée de me retrouver au milieu de gens dans un magasin (même si les consignes sanitaires sont respectées).Cette solidarité me dit que notre société, notre genre humain n'est pas si moche que çà, même si certains volent des masques pour les revendre à prix d'or .!!!!

 

Côté positif : notre modèle de société va être remis en cause et que nous devons tous à notre échelle remettre nos petites habitudes en question . Pour moi c'est un vaste sujet de méditation.

 

Côté positif : finalement nous avons arrêté de trop regarder les informations télévisées  et nous préférons lire. D'ailleurs j'ai puisé dans ma bibliothèque personnelle parce que je n'ai pas stocké à la médiathèque, un livre sur la vie de François 1er, la peste sévissait à ce moment-là, aussi…

 

Bon, je m'arrête pour aujourd'hui, restez en bonne santé et surtout courage, les jonquilles sont là donc le printemps sanitaire n'est pas loin.

 

Chronique du Confinement N°2 de Rose de la Montagne – 4 avril 2020

 

 J'ai immense chance d'avoir une maison avec véranda ou je peux voir tout mon village ainsi qu'une des rivières qui le traverse.

 

Le soir, avant souper, nous nous installons sous la véranda et là, ni vu ni connu, nous observons.

 

Et que voit-on?

 

Non pas des humains, ils sont confinés. Ah !Ah! Ah!

 

Nous voyons des animaux, un couple de pie qui ne sont pas dérangées par les voitures, des oiseaux, et même la nuit - mais il ne faut pas le dire - un blaireau qui traverse mon bout de gazon (un bien grand mot pour 4 herbes qui se battent en duel )

 

Et oui nous savons aussi - mais çà c'est « Marcos » qui nous l'a dit enfin il s'est sauvé pour le poursuivre , « Marcos » étant notre chien de chasse de race « Anglo » - un Renard  juste derrière notre clôture le soir venu.  Il est tranquille le Goupil, pas d'humain ou du moins peu, pas de voiture du moins très peu le soir venu, donc le village est à lui .

 

Comme je vous le disais précédemment, le point positif de ce confinement c'est que les animaux sauvages eux sont libres et nous, nous sommes en cage . C'est un peu un zoo à l'envers. A méditer !!!!!!